1 La bactérie
Yersinia pestis, l’agent de la peste, est un petit bacille Gram-négatif qui fait partie de la famille des entérobactéries et du genre Yersinia. Ce nom lui a été donné en hommage au pasteurien Alexandre Yersin, qui identifia le premier le bacille lors de l’épidémie de Hongkong de 1894 〚1〛.
2 Historique
La peste a été une des maladies les plus mortifères de l’histoire de l’humanité. Trois grandes pandémies de peste se sont déroulées depuis le début de l’ère chrétienne 〚2〛. La première pandémie, appelée peste de Justinien, partit probablement d’Afrique centrale et atteignit le pourtour du bassin méditerranéen au VIe siècle. La seconde pandémie (peste médiévale), venue d’Asie centrale, toucha l’Europe au XIVe siècle et y persista jusqu’au XVIIIe siècle. La troisième pandémie de peste partit de Hongkong en 1894 et s’implanta de façon durable dans des pays jusque-là indemnes (Amérique du Nord et du Sud, Madagascar, Afrique du Sud, etc.).
3 Situation actuelle de la peste dans le monde
La peste n’a jamais pu être éradiquée. Plus de 34 000 cas humains de peste ont été déclarés à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au cours de ces 15 dernières années par 24 pays 〚3〛. L’Afrique est le continent le plus touché, suivi par l’Asie, puis l’Amérique. Depuis le début des années 1990, une recrudescence importante du nombre des cas humains mondiaux, la réapparition de cette maladie dans des foyers que l’on croyait éteints et l’extension des foyers déjà existants font que la peste a été classée parmi les maladies actuellement ré-émergentes 〚4〛.
4 Épidémiologie
Le réservoir de la peste est essentiellement animal ; il est représenté principalement par les rongeurs sauvages et péridomestiques. Le bacille est transmis de rongeur à rongeur par piqûre de puces. De nos jours, l’homme se contamine, soit en allant vers les populations de rongeurs sauvages infectées (chasseurs, campeurs, agriculteurs), soit par un contact étroit entre les rongeurs et la population humaine, villageoise ou urbaine. Ce contact peut être favorisé par une intense pullulation animale ou par une détérioration des facteurs socio-économiques et climatiques (inondations, sécheresses). Le deuxième mode classique, bien que moins fréquent, de transmission inter-humaine de la peste ne nécessite pas la présence d’ectoparasites et se produit par voie aérienne directe, à partir d’un malade atteint de peste pulmonaire. Lors de la toux, le bacille dispersé par aérosols (gouttelettes de Pflügge) est inhalé par les sujets contacts et colonise directement leurs poumons.
5 Signes cliniques
5.1 Peste bubonique
C’est la forme clinique la plus fréquente de la peste humaine. Elle survient après piqûre par une puce infectée et inoculation sous-cutanée du bacille. En quelques jours apparaît un « bubon » (tuméfaction dure, lisse, de petite taille et extrêmement douloureuse), s’accompagnant d’une fièvre élevée d’apparition brutale, d’un malaise général, de maux de tête et parfois de vomissements. Dans 30 % des cas, les défenses immunitaires de l’hôte permettent de contenir l’infection. Le bubon fait abcès et suppure, le malade guérit après un laps de temps souvent assez long. Dans les 70 % restants des cas, la bactérie dissémine par voie lymphatique et sanguine vers la rate, le foie, éventuellement les poumons, et provoque une septicémie mortelle.
5.2 Peste pulmonaire
Cette forme de la maladie est gravissime et résulte d’une contamination par voie aérienne directe, à partir d’aérosols émis par un malade atteint de peste pulmonaire. L’incubation est très courte (quelques heures à 1–2 j) et les signes cliniques sont d’emblée très violents : fièvre à 40–41 °C, altération profonde de l’état général, douleurs thoraciques, toux, détresse respiratoire, crachats sanglants, coma. L’évolution se fait systématiquement vers la mort en moins de trois jours, en l’absence d’une antibiothérapie adaptée et précoce.
6 Pathogénicité
Chez l’homme, l’évolution naturelle de la maladie se fait vers la mort (70 % des formes buboniques et 100 % des formes pulmonaires) en moins d’une semaine, voire parfois en quelques heures. Dans le modèle expérimental murin, il suffit d’une bactérie injectée par voie intraveineuse et de moins de dix bactéries par voie sous-cutanée pour tuer la majorité des animaux. De ce fait, le bacille de la peste peut être considéré comme l’une des bactéries les plus pathogènes existant actuellement sur Terre.
7 Diagnostic
Le diagnostic repose sur l’isolement et la caractérisation bactériologique de la souche. Cette technique est la plus fiable, mais elle est longue (une semaine).
Des tests de diagnostic rapides ont été récemment développés. Ils permettent de porter un diagnostic présomptif de peste en quelques minutes (à l’aide de bandelettes d’immunodétection 〚5〛), ou quelques heures (PCR), avec une bonne fiabilité.
Le sérodiagnostic par ELISA 〚6〛 permet également de porter un diagnostic rétrospectif de la maladie.
8 Traitement et prévention
8.1 Traitement prophylactique
Un traitement prophylactique, reposant sur les tétracyclines ou les sulfamides, est utilisable pour traiter tout sujet ayant été au contact d’un pestiféré.
8.2 Traitement curatif
Les chances de survie du malade sont directement liées à la précocité de la mise en place du traitement curatif. Trois antibiotiques sont classiquement recommandés, seuls ou en association, pour le traitement de la peste : la streptomycine, les tétracyclines et le chloramphénicol (dans les formes méningées).
Jusqu’à très récemment, le bacille de la peste était considéré comme sensible à tous les antibiotiques actifs contre les bacilles Gram-négatifs. Cependant, une souche de Y. pestis, présentant une résistance de haut niveau aux quatre antibiotiques classiquement utilisés pour le traitement préventif et curatif de la maladie, ainsi qu’à quatre autres antibiotiques qui auraient pu représenter des traitements alternatifs (ampicilline, kanamycine, spectinomycine et minocycline), a été identifiée récemment 〚7〛.
8.3 Vaccination
Plusieurs vaccins antipesteux (atténués ou tués) ont été utilisés par le passé. L’absence de protection dans les formes pulmonaires, la faible durée de l’immunité et l’importance des effets secondaires ont conduit à l’arrêt de ces vaccinations.
Actuellement, aucun vaccin fiable contre la peste n’est disponible.
9 Peste et bioterrorisme
Le bacille de la peste fait partie de l’arsenal biologique potentiellement utilisable pour le bioterrorisme.