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Comptes Rendus

Suivi par IRM et par T1 de l'effet du couplage hydratation–séchage sur la microstructure de pâte de ciment
Comptes Rendus. Chimie, Volume 9 (2006) no. 3-4, pp. 548-555.

Abstracts

Le suivi de la structuration des matériaux cimentaires a été effectué à partir des profils SPI et des mesures de T1. Les profils SPI permettent d'évaluer la quantité d'eau libre (des pores), et de suivre la cinétique et la profondeur du séchage lorsque le matériau est soumis simultanément à des processus d'hydratation et de séchage. L'analyse des mesures de T1 par inversion de Laplace montre deux composantes de T1 avant la prise, indiquant que l'eau se trouve dans des environnements différents et a donc des mobilités différentes. Après la prise, trois composantes en T1 sont mesurées et permettent de suivre l'évolution de la microstructure. .

MRI and T1 following of hydration and drying coupling effect on cement paste microstructure. The structural evolution of cement-based materials was monitored by SPI profiles and T1 measurements. The SPI profiles have allowed the evaluation of the ‘free’ water quantity (pore) as well as the monitoring of the kinetics and depth of drying when the material was simultaneously submitted to the hydration and drying processes. Inverse Laplace analysis of T1 measurements have shown two components of T1 during the setting phase, with two mobility states for water. After hardening, three T1 components have been measured thus allowing the monitoring of the microstructure evolution. .

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DOI: 10.1016/j.crci.2005.06.041
Mot clés : SPI, Relaxation, Pâte de ciment, Microstructure
Keywords: SPI, Relaxation, Cement paste, Microstructure

Paméla Faure 1; Sabine Caré 1

1 Laboratoire des matériaux et structures du génie civil, UMR 113, LCPC/ENPC/CNRS, 2, allée Képler, 77420 Champs-sur-Marne, France
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Paméla Faure; Sabine Caré. Suivi par IRM et par T1 de l'effet du couplage hydratation–séchage sur la microstructure de pâte de ciment. Comptes Rendus. Chimie, Volume 9 (2006) no. 3-4, pp. 548-555. doi : 10.1016/j.crci.2005.06.041. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.1016/j.crci.2005.06.041/

Version originale du texte intégral

1 Introduction

1.1 Objectif

La compréhension des mécanismes de structuration des matériaux à matrice cimentaire est essentielle car leurs propriétés physiques et mécaniques sont étroitement liées aux processus d'hydratation du ciment et donc à leurs caractéristiques structurales résultantes (distribution poreuse, teneur en eau). Les propriétés structurales dépendent de plusieurs paramètres : proportion des composants (rapport eau sur ciment), nature du ciment… mais sont aussi influencées par les conditions environnementales. En effet, dès la mise en place du béton, dans le cas où le matériau n'est pas protégé des échanges hydriques avec l'extérieur, le phénomène de séchage agit sur la microstructure du béton et modifie ainsi les propriétés attendues [1]. L'étude de la structuration des matériaux à matrice cimentaire, notamment en présence de séchage, est un enjeu important pour une bonne évaluation de la durabilité des structures.

Afin d'étudier la structuration des matériaux à matrice cimentaire sous l'effet du couplage hydratation–séchage, nous avons choisi de développer des méthodes non perturbatrices (à savoir la résonance magnétique nucléaire) en nous appuyant sur des méthodes classiques de caractérisation, techniques « destructrices » mais plus largement répandues. Notre objectif dans ce travail est d'étudier les mécanismes de structuration des matériaux à matrice cimentaire par l'utilisation combinée de l'imagerie par résonance magnétique et de la spectroscopie par résonance magnétique.

1.2 Mécanismes de structuration des matériaux cimentaires

Les matériaux à matrice cimentaire résultent du mélange de plusieurs composants (poudre de ciment, eau, agrégats, etc.) qui peuvent réagir entre eux. Il est possible de distinguer deux périodes dans le processus de structuration de ces matériaux. Durant la première période (dite de prise), le matériau reste dans un état de suspension (appelé « gel »). Pendant cette période, le ciment et l'eau initialement introduits réagissent entre eux chimiquement. Les réactions chimiques entre le ciment et l'eau conduisent à la prise et donc au durcissement des matériaux cimentaires, ce qui constitue la seconde période du processus de structuration (dite de durcissement). Ainsi, de nouveaux composés, appelés hydrates, se forment au cours du temps autour des grains de ciment suivant un processus de dissolution–précipitation. Les couches d'hydrates en périphérie des grains de ciment croissent et s'interpénètrent, ce qui se traduit à une échelle macroscopique par la rigidification du matériau. On passe de l'état de suspension à l'état solide en moins de 24 heures. L'état solide est alors caractérisé par un matériau triphasique constitué de solide (les hydrates, ciment anhydre), de liquide (l'eau interstitielle, l'eau initialement introduite qui n'a pas réagi chimiquement) et d'air (résultant de l'autodessiccation du matériau et du séchage).

Ce matériau est un milieu poreux qui est principalement caractérisé par son eau dite « libre » (eau contenue dans les pores qui n'a pas réagi chimiquement), son eau dite « liée » (eau chimiquement liée dans les hydrates) et par sa porosité. C'est un matériau complexe où les pores présentent différentes gammes de taille qui s'étalent à différentes échelles. Les pores sont décrits dans [2] pour une pâte de ciment selon :

  • • les défauts (vides d'air, air entraîné) du micromètre au millimètre ;
  • • les grands pores capillaires représentent les espaces remplis d'eau qui sont situés entre les grains de ciment partiellement hydratés. La dimension de ces pores est variable, elle diminue en fonction du temps d'hydratation car les hydrates occupent de plus en plus de place (0,05 à 10 μm). Les petits pores capillaires représentent les vides qui sont situés entre les amas d'hydrates (10–20 nm) ;
  • • les pores des hydrates : les pores caractéristiques des espaces interlamellaires des hydrates C–S–H ou Ca–Si–H2O (2,5–5 nm) et les pores intralamellaires des C–S–H (quelques Å).

Afin d'étudier les mécanismes de structuration des matériaux cimentaires, de nombreuses techniques sont habituellement utilisées [3]. La teneur en eau « libre », contenue dans la porosité, peut être obtenue par gammadensimétrie ou étuvage (technique de perte au feu) après séchage de l'échantillon à 80 °C. La teneur en eau « liée » ou d'hydratation, contenue dans les hydrates de la pâte de ciment, peut être obtenue après étuvage à 550 °C. La structure poreuse peut être analysée par porosimétrie, par intrusion de mercure (pour les pores allant de quelques nanomètres à quelques dizaines de micromètres) ou par cryoporométrie pour les pores caractéristiques des hydrates. Ces techniques ont montré qu'elles sont robustes mais perturbatrices (car elles nécessitent de sécher les échantillons pour accéder aux informations). De plus, elles ne permettent pas d'accéder aux caractéristiques structurales pendant la période de prise.

1.3 Caractérisation des matériaux cimentaires par RMN

La RMN n'est pas une méthode classique d'étude de ces phénomènes, mais elle permet de suivre ceux relatifs à l'eau. En l'associant à d'autres techniques plus largement répandues, elle permet d'avancer dans la compréhension des phénomènes d'hydratation qui peuvent être modifiés en présence de séchage. L'approche présentée ici combine l'utilisation de l'imagerie par résonance magnétique informant sur la teneur et la répartition de l'eau au sein de l'échantillon suivi, et la spectroscopie par résonance magnétique informant sur la structuration du même matériau et cela pendant les périodes de prise et de durcissement des matériaux à matrice cimentaire.

La mesure de la teneur et répartition de l'eau libre par IRM est faite avec la méthode SPI 1D (single-point imaging). Cette séquence, proposée à l'origine par Emid et Creyghton [4], a été développée depuis par Balcom et al. [5,6] pour les matériaux cimentaires, puis pas d'autres auteurs [7]. L'effet du séchage sur des matériaux cimentaires a déjà fait l'objet d'étude [8] et permet aux auteurs d'étudier l'effet des formulations et des cures sur la répartition de l'eau libre et sur le coefficient de diffusion de l'humidité.

Le suivi de la structuration des matériaux par SRM est réalisé via les mesures de relaxométrie T1 (séquence inversion–récupération). En effet, de nombreux auteurs ont montré la relation entre la taille des pores et la dynamique moléculaire de l'eau observée par RMN à travers des mesures de T1 ou de T2 [9–11]. L. Pel [12] utilise notamment, la mesure de T2 et la relation avec la taille des pores pour étudier l'effet de différentes méthodes de séchage sur l'altération de la microstructure. La mesure de T1 permet d'accéder à des pores dont la taille va de quelques angströms à quelques centaines d'Angströms [9]. Cela a permis aux auteurs de suivre la diminution de T1 avec l'avancement de la réaction d'hydratation, et d'étudier l'inversion de la population des composantes en T1 en fonction de la distribution de taille des pores entre le début de l'hydratation et six mois. Dans le cas d'hydratation de C3S [13], une seule valeur de T1 est observée avant 7 h, puis il y a apparition de deux, puis trois composantes. Bohris et al. [14] utilisent également la combinaison de mesures SRM (T2) et IRM (écho de gradient) pour étudier l'effet de la cure (séchage ou étanche) sur la répartition de l'eau d'une part, et l'effet de la formulation sur la répartition des pores. La mesure de T2 leur permet d'expliquer que les profils IRM obtenus correspondent principalement à l'eau capillaire.

Nous présentons ici nos résultats concernant l'apport de l'IRM pour suivre l'hydratation au jeune âge couplée à du séchage. La méthodologie employée combine un suivi de la teneur en eau par des profils SPI et un suivi de l'évolution de l'environnement des protons par des mesures de temps de relaxation T1. Les données obtenues par IRM sont confrontées aux teneurs en eau mesurées par la technique de perte au feu (PAF).

2 Matériaux et méthodes

2.1 Échantillons

Les expériences ont été menées avec des échantillons cylindriques de 4,5 cm de diamètre et de 4 à 8 cm de haut, de rapport massique eau sur ciment (noté E/C) 0,45, à la température de 25 °C. La taille des échantillons est comparable à celle utilisée dans les autres publications utilisant la technique SPI, mais est très grande par rapport à celle utilisée généralement en RMN. L'eau et le ciment ont été mélangés (ou gâchés) à l'instant t = 0, puis ont été placés dans le moule cylindrique et sont suivis au cours du temps, jusqu'à 28 jours. Les différentes conditions d'évolution sont :

  • • cas I (cas « hydratation ») : échantillons en imbibition dans l'eau et en cure étanche (isolé de l'extérieur) ;
  • • cas II (cas « hydratation–séchage unidirectionnel ») : échantillons soumis dès fabrication à un séchage unidirectionnel à une humidité relative (HR) de 53,5 % ;
  • • cas III (cas « hydratation–séchage multidirectionnel ») : échantillons isolés 24 heures puis démoulés et soumis à différentes humidités relatives (HR) dans toutes les directions à 0, 53,5 et 100 %.

Le ciment utilisé est un ciment blanc contenant 0,3 % de fer.

2.2 Descriptifs des essais

La microstructure de ces matériaux a été analysée par différentes méthodes expérimentales au cours du temps jusqu'à 28 jours. Les essais réalisés sont les suivants :

  • • détermination de l'eau libre par la séquence d'imagerie single-point imaging SPI (pendant les périodes de prise et de durcissement) et par la technique de perte au feu (pendant la période de durcissement) pour les cas I et II. Ces essais permettent d'observer l'effet du séchage et de l'hydratation sur les mécanismes de structuration ;
  • • suivi T1 pendant la période de prise sur le cas II. (le cas I présentant une évolution semblable à ce stade, les résultats ne seront pas présentés) ;
  • • suivi T1 pendant la période de durcissement sur les cas I, II et III.

Pour la détermination de l'eau libre par la technique de perte au feu (cas I et II) et pour le suivi de T1 par SRM (cas II), nous avons découpé en tranches d'épaisseur de 11 ± 1 mm des échantillons ayant subi un séchage unidirectionnel à différents stades : 7, 14, 21 et 28 jours. Les cinq tranches sont appelées A, B, C, D, E, A étant la coupe la plus exposée au séchage, et E la plus profonde. Ces mesures sont destructives et nécessitent à chaque échéance de mesure de prélever des tranches (suivant l'axe vertical) par sciage. Nous avons choisi d'utiliser une scie à main, afin de scier à sec pour ne pas modifier l'état hydrique du matériau.

2.3 Techniques expérimentales

L'étude RMN a été réalisée avec un spectromètre imageur DBX 24/80 Bruker opérant à 0,5 T, avec une puissance de gradient de 50 mT/m. Nous utilisons une bobine birdcage de 20 cm de diamètre interne. Les conditions d'essais sont les suivantes :

  • • SRM : la mesure de la décroissance de l'aimantation longitudinale a été obtenue avec une méthode d'inversion récupération (180–90°-acq), le délai entre l'impulsion 90° et l'acquisition (lié à des contraintes électroniques) est de 40 μs. Pour cela on utilise une liste de 256 valeurs de ti (temps entre l'inversion et la récupération du signal), dont la gamme s'étend entre 75 μs et 200 ms. L'inversion de Laplace des mesures de relaxation a été utilisée afin d'obtenir les différentes composantes en T1 de l'échantillon [10,11]. Le programme utilisé est inspiré d'un programme de type Contin [15]. La méthode réellement mise en œuvre est un ajustement aux moindres carrés des données avec une somme pondérée d'un grand nombre d'exponentielles décroissantes. Dans cette méthode, les temps de relaxation de chaque exponentielle sont fixes, et répartis régulièrement dans le domaine de temps de relaxation investigué, et seules les pondérations sont ajustées. Cet ajustement aux moindres carrés se fait par ailleurs sous contrainte :
    • ○ d'avoir des pondérations positives ;
    • ○ d'avoir une certaine régularité de la courbe maîtresse. Le poids relatif du critère de régularité et du critère d'écart aux données expérimentales est réglé par un paramètre appelé « paramètre de parcimonie » par les utilisateurs de Contin. Sur des données simulées faisant intervenir des temps de relaxation proches de ceux mis en jeu dans notre étude, et à programme de traitement de données constant, les résultats de déconvolution donnent satisfaction et permettent de placer correctement les pics, et ce, dès que le rapport signal sur bruit était de l'ordre de 100 pour les points de plus fort signal. Dans notre étude le rapport signal sur bruit était de l'ordre de 300 à 1500 ;
  • • IRM : la séquence d'imagerie single point imaging SPI a été utilisée pour les suivis de la répartition de l'eau libre. En effet, c'est une méthode parfaitement adaptée à l'étude des matériaux cimentaires qui présentent l'inconvénient d'avoir des temps de relaxation extrêmement courts [5,6]. Les images obtenues ne sont pas sensibles aux distorsions dues aux inhomogénéité de B0, aux variations de susceptibilité et de déplacement chimique.

Les paramètres sont les suivants : délai entre impulsion et acquisition tp = 115 μs, angle d'impulsion α = 8,5°, temps de répétition TR = 20 ms, nombre d'accumulation NA = 128. Le champ de vue est de 14 cm, avec une matrice de 64 points conduisant à une résolution de 2,2 mm, l'acquisition dure 2 min 45. Le T2* évalué au moyen de la séquence SPI et de l'équation de signal présentée en [5] est de l'ordre de 1600 μs avant la prise, et de 400 μs après la prise. Les mesures SPI en pourcentage d'eau libre peuvent être obtenues par une division du profil RMN St au stade t par le profil RMN S10 min au stade t = 10 min, en faisant l'hypothèse que peu d'eau est consommée par hydratation au début de la réaction. En effet, la mesure évolue peu la première heure et ainsi S30 min ≈ S10 min, le profil normalisé à 30 min donne S30 min/S10 min ≈ 100 % eau libre (aux erreurs de bruit près). Au cours du processus de structuration des matériaux cimentaires, à chaque stade t, le rapport Sstade t/S10 min est estimé comme le pourcentage eau libre et exprime ainsi la quantité d'eau qui n'a pas participé aux processus d'hydratation.

La détermination de l'eau libre a aussi été obtenue par perte au feu (PAF) pour confrontation avec les données obtenues par IRM. Selon ce procédé, l'eau enlevée après étuvage à 80 °C est celle contenue dans les pores du matériau (eau libre), et après étuvage à 550 °C dans les hydrates de la pâte de ciment (eau liée). La quantité d'eau libre au stade t par rapport à la quantité d'eau initialement introduite au niveau de chaque tranche est évaluée par :

% eau libre=(MM80 °C)/(0,45×M550 °C)
avec :
  • M la masse de la tranche prélevée, M80 °C la masse après étuvage à 80 °C, d'où (M – M80 °C) la masse d'eau libre dans la tranche ;
  • • 0,45 × M550 °C la masse d'eau initialement introduite. En effet, après étuvage à 550 °C, la masse de la tranche correspond à la masse de ciment initialement introduite. Le produit 0,45 (rapport eau sur ciment) par la masse de ciment initialement introduite donne alors accès à l'eau initialement introduite dans chaque tranche.

Chaque point de la courbe représente la moyenne du pourcentage d'eau libre dans une tranche. Cette quantité (pourcentage eau libre) quantifie l'eau qui n'a pas participé aux réactions d'hydratation et est comparée aux mesures effectuées par IRM après normalisation.

3 Résultats et discussion

3.1 Analyse des profils de teneur en eau « libre » par SPI

Des profils IRM ont été obtenus au cours du temps sur les cas d'étude I et II. La première acquisition a été effectuée environ dix minutes après avoir mélangé le ciment et l'eau. Des acquisitions ont été faites toutes les 15 min pendant les premières 24 h (phase de prise) et ensuite pendant la phase de durcissement à 2, 7, 14, 21 et 28 jours d'hydratation. Les profils normalisés sont présentés dans la Fig. 1a–c.

Fig. 1

Mesure de quantité d'eau libre (pourcentage eau libre) par SPI et PAF.

(a) Suivi SPI 1D – échantillon en cure étanche.

(b) Suivi SPI 1D – échantillon évoluant à 53,5 % HR : séchage unidirectionnel.

(c) Normalisation des courbes de (b) par (a), c'est-à-dire de l'échantillon ayant une consommation d'eau libre par hydratation et par séchage par une échantillon ayant l'eau libre consommée exclusivement par hydratation. La normalisation se révèle imparfaite aux extrémités à cause d'un effet de bord.

(d) Suivi de perte au feu réalisé sur quatre échantillons fabriqués en même temps que celui présenté en (b) et évoluant dans les mêmes conditions, et « sacrifié » à quatre stades différents.

Le résultat des mesures de dosage de l'eau libre par SPI est confronté avec celui obtenu par perte au feu (Fig. 1d) pour les stades 7, 14, et 28 jours. Les mesures par perte au feu et par IRM (après normalisation des profils) sont relativement proches, mais présentent des écarts allant de deux à une dizaine de pourcentages de décalage. En effet, après sept jours, la quantité d'eau libre (pourcentage eau libre) obtenue par PAF est environ de 60 % et par IRM environ de 55 %, loin du front de séchage. Le décalage observé peut-être dû à plusieurs facteurs. Par la mesure par IRM, la détermination de la teneur en eau libre (par normalisation) peut être mal évaluée, d'une part car l'effet de T2* est négligé, d'autre part car la diminution de T1 avec la taille des pores amène peut-être une disparition pour la mesure SPI de l'eau dans les pores les plus fins. Par la mesure par perte au feu, la teneur en eau libre peut être surévaluée, d'une part, car l'étuvage à 80 °C peut conduire à la dégradation de certains hydrates, d'autre part, car cette mesure néglige les gradients de rapport eau sur ciment dus aux phénomènes de ressuage.

Cependant, même si les mesures par normalisation montrent que la quantité d'eau libre est légèrement sous-estimée par IRM par rapport à la technique de perte au feu, ces résultats montrent que l'IRM avec la séquence SPI peut être utilisée pour suivre l'évolution de la quantité d'eau libre au cours du temps pour différents stades. Cette technique présente l'avantage de suivre la cinétique d'hydratation pendant la période de prise, ce que ne permet pas la technique de perte au feu.

L'utilisation de profils normalisés SPI nous donne ainsi plusieurs résultats. Nous pouvons donc suivre :

  • • la cinétique de consommation de l'eau dans la réaction d'hydratation par mesure de l'eau disparue pour l'échantillon en cure étanche (Fig. 1a). En 28 jours, ces essais montrent qu'au bout de deux jours, il reste environ 65 % de l'eau initialement introduite et au bout de sept jours il reste seulement 55 % de l'eau initialement introduite. Au-delà, la consommation de l'eau par les processus d'hydratation est ralentie ;
  • • l'évolution de l'eau « libre » (Fig. 1b) en fonction du front de séchage. Après 28 jours, ces essais montrent que la quantité d'eau libre près du front de séchage est au moins deux fois moins grande par rapport au cœur du matériau ;
  • • et l'effet du séchage sur l'eau libre (Fig. 1b). La normalisation des profils de l'échantillon ayant été soumis à un séchage par les profils au même stade d'hydratation de l'échantillon en cure étanche permet de déterminer la profondeur du séchage (Fig. 1c). Cela nous donne une vue qualitative de la profondeur du séchage, car cette normalisation fait l'hypothèse que la consommation d'eau par les processus d'hydratation dans les deux cas est identique or, cette différence bien que faible existe. Le séchage continue à progresser en profondeur, alors qu'au bout de deux ou trois jours la consommation de l'eau par hydratation a considérablement ralenti. Il faut noter que l'effet du séchage est observé dix heures après avoir gâché la pâte de ciment. La présence d'un léger ressuage avec le rapport E/C utilisé pourrait jouer le rôle de « cure » et retarder l'effet du séchage en diminuant l'effet sur la microstructure.

3.2 Analyse des temps de relaxation T1

Le suivi du temps de relaxation longitudinale pendant la période de prise (cas I et II) montre dès le début de l'hydratation deux composantes principales (vers 70–120 ms et vers 2–10 ms), signifiant qu'il existe principalement deux états de l'eau (mobilité différente) dans l'échantillon durant le stade « gel » (Fig. 2). La grande composante en T1 est associée à l'eau la plus libre, la petite composante en T1 pourrait correspondre à de l'eau prise au piège dans des pores dont la nature reste à déterminer : flocs, pores ettringitiques ou pores des silicates de calcium hydratés Cax–Siy–H2O (C–S–H). L'hypothèse des pores ettringitiques semble actuellement la plus probable. À ce stade, l'évolution des composantes de T1 au cours du temps peut être associée à plusieurs phases de l'hydratation du ciment pendant la période de prise :

  • • phase dormante ;
  • • prise ;
  • • consommation du gypse (dégradation d'hydrates pour en former d'autres) ;
  • • la phase d'hydratation lente.

Fig. 2

Représentation en contour de la densité d'aimantation en fonction de T1 et du stade d'avancement de la réaction d'hydratation. Les acquisitions ont lieu toutes les 20 min.

Le suivi du temps de relaxation longitudinale pendant la phase de durcissement (cas I, II et III) montre qu'à l'état solide, dans nos conditions expérimentales, les pâtes de ciment présentent trois composantes pour T1, qui à partir du deuxième jour se déplacent très lentement vers les petites valeurs de T1 (Fig. 3), et dont l'intensité diminue très progressivement. La plupart des phénomènes d'hydratation se mettent en place dès les premières 24 h, puis, même si elles continuent de se réaliser, celles-ci deviennent extrêmement lentes. Cela a pour conséquence une diminution progressive de la taille des pores car les hydrates prennent plus de place que la phase anhydre. Les résultats des mesures de T1 sont en accord avec ces observations (Fig. 3).

Fig. 3

Densité d'aimantation en fonction de T1 pour quatre stades d'hydratation : 16 h, 6, 13 et 27 jours, pour un échantillon ayant subi un séchage multidirectionnel après 24 h en cure étanche. On note que la valeur des composantes en T1 diminue ainsi que l'intensité des pics.

La répartition des composantes en T1 pour les cinq tranches d'un échantillon ayant subi un séchage unidirectionnel à 53,5 % HR pendant sept jours est présentée Fig. 4. Il existe une différence de répartition entre les différentes composantes (plus d'eau dans les grands pores que dans les petits pores pour les tranches subissant le séchage). La différence est faible, mais significative, car répétitive, comme cela a été mesuré à différents stades (7, 14, 21, 28 jours) :

  • • le pic vers 82 ms représente 14–17 % pour la tranche A du cas II (séchage), et 11–14 % pour les tranches B à E du cas II et A à E du cas I (étanche) ; le pic vers 17 ms représente à 81–84 % pour la tranche A du cas II (séchage), et 85–87 % pour les tranches B à E du cas II, et A à E du cas I (étanche) ;
  • • le pic vers 0,15 ms représente 2–3 % pour toutes les tranches.

Fig. 4

Densité d'aimantation en fonction de T1 pour les cinq tranches de l'échantillon ayant subi un séchage, et sacrifié après sept jours d'hydratation.

Ces résultats laissent penser que le séchage concurrence l'hydratation et que la moindre quantité d'eau présente dans les grands pores retarde la diminution de la taille des petits pores d'où une différence de proportion entre la tranche ayant subi un séchage et celle sans séchage. La présence de ressuage, pouvant être assimilé à une cure, pourrait retarder l'effet du séchage et donc diminuer les effets sur la microstructure.

3.3 SPI et T1

Pour les tranches en profondeurs du cas II (séchage), on retrouve la même répartition de T1 que pour le cas I (étanche). C'est essentiellement la tranche A, correspondant au premier centimètre exposé au séchage, qui présente une évolution de sa microstructure, pour la gamme de pores explorée. Cela montre le décalage entre la profondeur de séchage mesurée par SPI (qui atteint plus de deux centimètres à sept jours d'hydratation), la mesure de T1 montrant une perturbation de la microstructure relativement peu profonde en comparaison. Cependant, la taille des pores explorée étant petite, peut-être y a-t-il un effet retard : les conséquences de la perte d'eau en profondeur sur les pores de l'ordre de l'angström ne se verront peut-être qu'à un stade plus avancé (six mois ?). Il est également possible que la perte d'eau observée par SPI touche des pores plus grands (pores capillaires), en bordure de séchage comme en profondeur, ce qu'il faudra vérifier par porosimétrie par intrusion de mercure. Ces observations laissent penser que la mesure RMN effectuée pour avoir la teneur en eau libre concerne autant l'eau des petits pores que l'eau des grands pores.

4 Conclusion

Les expériences SPI permettent un suivi de la quantité d'eau libre sans dégrader l'échantillon, de la cinétique du séchage pour l'échantillon en atmosphère 53,5 % HR. La corrélation avec la perte au feu devra être améliorée, notamment en tenant compte de l'évolution de T2*.

Les mesures de T1, en montrant avant la prise et ce, dès le début du suivi de l'hydratation la présence de deux composantes et en permettant de différencier les phases de l'hydratation de la pâte de ciment, doivent permettre d'étudier différentes formulations. Les résultats des mesures de T1 après la prise montrent qu'il est possible de suivre la lente hydratation avec la diminution progressive de la taille des pores associés. Le résultat des mesures de T1 réalisées sur les coupes des échantillons, montre que le séchage retarderait les réactions d'hydratation et donc retarderait la diminution attendue des pores (et donc la résistance des matériaux).

Cette étude montre bien que la conjugaison de l'IRM et de la SRM permet de suivre deux aspects essentiels dans la compréhension de l'évolution de la microstructure des matériaux à matrice cimentaire, puisqu'on est capable de mesurer la quantité d'eau libre et que l'on dispose d'une sonde pour étudier les pores.

Remerciements

Les auteurs veulent remercier Stéphane Rodts, Chrystelle Po et François-Marie Dibon.


References

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