1. Le microbiote des forêts
Les forêts couvrent plus de 30 % des terres émergées ; elles sont principalement composées de massifs forestiers naturels, incluant forêts primaires et secondaires. Les zones boisées des régions boréales, tempérées et tropicales (Figure 1) abritent plus de 3100 milliards d’arbres (Crowther et al., 2015) et 80 % de la biodiversité végétale, animale et microbienne (Muys et al., 2022). Elles stockent une formidable quantité de carbone, aussi bien dans les plantations que dans les forêts anciennes (Luyssarert et al., 2008) et elles sont au cœur d’un réseau complexe d’interactions entre végétaux, animaux et microbes. Comprendre le fonctionnement de ces écosystèmes forestiers impose de mesurer les flux de matière et d’énergie qui circulent au sein des cycles biogéochimiques, mais également de comprendre le rôle de l’ensemble des micro-organismes — le microbiote — qui influence la fertilité des sols et le stockage du carbone, ainsi que la vigueur et la santé des arbres (Baldrian et al., 2023). La composition et la pérennité des forêts dépendent étroitement des liens d’interdépendance tissés entre les plantes et les micro-organismes (Baldrian, 2017; Peay et al., 2016). Le microbiote des forêts inclut des bactéries, des archées, des champignons et des virus (Uroz et al., 2016). Ce sont des acteurs clés dans la décomposition de la matière organique, le cycle des nutriments, la formation des sols et la croissance des plantes. Ils jouent un rôle crucial dans les cycles biogéochimiques du carbone, de l’azote et du phosphore, influençant directement la dynamique des écosystèmes forestiers. De ce fait, leur capacité d’adaptation aux changements climatiques et anthropiques conditionne le maintien de la fertilité des sols et participe à la durabilité des forêts (Peay et al., 2016; Uroz et al., 2016; Baldrian et al., 2023).
La taïga boréale d’Alaska (A), les hêtraies-sapinières des Vosges (B) et les forêts primaires des montagnes du nord-ouest du Yunnan chinois (C) sont particulièrement riches en espèces de champignons ectomycorhiziens.
Il est désormais acquis que les arbres hébergent dans leurs différents organes une communauté complexe de micro-organismes — le microbiote — diversifiée et composée de milliers d’espèces de virus, de bactéries et de champignons qui influencent la croissance, le développement et la santé de leur plante-hôte (Uroz et al., 2016; Baldrian, 2017; Li et al., 2023; Enea et al., 2025). Ainsi, la microbiologie forestière et l’écologie microbienne sont désormais intégrées dans une démarche de recherche multidisciplinaire visant à décrire la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes forestiers (F. Martin, 2021). Pour évaluer les services écologiques et économiques rendus par le microbiote, il est toutefois nécessaire de développer des atlas moléculaires recensant et cartographiant les communautés et les populations de micro-organismes bénéfiques, commensaux et pathogènes, suivre leur dynamique en fonction de l’évolution de la forêt et évaluer l’impact de la gestion sylvicole et du changement climatique (Uroz et al., 2016). Un objectif prioritaire des recherches en cours consiste donc à identifier les espèces dont l’activité est primordiale pour le bon fonctionnement de la communauté microbienne et des végétaux associés, ainsi que celui des cycles biogéochimiques (F. Martin and van der Heijden, 2024). Vérifier la présence et estimer l’abondance de ces espèces clés permettraient de s’assurer que la biodiversité microbienne est optimale pour soutenir la croissance et la santé des arbres, ainsi que la fertilité des sols. Ces indicateurs microbiologiques pourraient alors être intégrés dans la panoplie des critères utilisés pour la certification des forêts gérées durablement ou la mise en place des réserves biologiques intégrales. Cette gestion durable suppose que la forêt constitue une réserve de biodiversité terrestre riche et stable, conserve un bon état sanitaire et produit des ressources renouvelables, dont le bois. Bien entendu, cette forêt multifonctionnelle doit également jouer un rôle majeur dans la circulation et la filtration de l’eau et servir de puits de carbone.
2. Changements globaux
Depuis quelques décennies, les forêts sont soumises à des pressions multiples, notamment la fragmentation des paysages liée aux activités humaines, l’augmentation du CO2 atmosphérique, le réchauffement climatique, les sécheresses récurrentes, les méga-incendies et les dépôts anthropiques d’azote (Keenan, 2015; Seidl et al., 2017; Vacek et al., 2023). Ces facteurs affectent directement la diversité et la dynamique des communautés végétales et le microbiote qui leur est associé, ainsi que les fonctions essentielles comme le cycle des nutriments, le stockage du carbone et les interactions plantes/micro-organismes (Baldrian et al., 2023). Par exemple, l’augmentation des températures du sol accélère les processus biochimiques microbiens, modifiant ainsi la vitesse de décomposition de la matière organique et, par conséquent, la disponibilité et l’acquisition des nutriments. Ce phénomène est particulièrement sensible dans les forêts boréales où des stocks considérables de carbone immobilisés depuis des centaines d’années sont remobilisés par des communautés microbiennes de plus en plus actives (Hopkins et al., 2012). Cependant, des températures trop élevées entraînent la disparition de nombreuses espèces fongiques dans les forêts tempérées. Les changements dans les régimes de précipitations influencent l’humidité du sol, cruciale pour la survie et l’activité des micro-organismes. Des périodes de sécheresse prolongées, comme celles que nous avons connues en 2018, 2019 et 2020, réduisent l’activité microbienne, tandis que des précipitations excessives entraînent le lessivage des nutriments du sol. De plus, l’augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique stimule fortement la croissance des plantes, augmentant ainsi l’apport de matière organique au sol, mais modifiant aussi la qualité de cette matière organique, influençant la dynamique des communautés microbiennes et les processus de décomposition (Peay et al., 2016; Baldrian et al., 2023).
Afin de développer des scénarios de gestion sylvicole permettant d’atténuer les impacts prévisibles des changements environnementaux sur la durabilité des forêts et, dans le même temps, évaluer les menaces anthropiques qui pèsent sur la biodiversité des forêts, en particulier anciennes, il est urgent de décrire, caractériser et modéliser les multiples interactions entre plantes et microbes qui constituent un réseau écologique complexe au sein des massifs forestiers (F. Martin, 2021). Comprendre ces multiples liens d’interdépendance est essentiel pour anticiper les dépérissements à venir et pour développer des scénarios permettant d’atténuer l’impact croissant des activités humaines (fragmentation des paysages, déforestation) (Uroz et al., 2016; Baldrian et al., 2023). Identifier les facteurs régissant les associations entre les plantes et leur microbiote devrait permettre de mieux utiliser les micro-organismes bénéfiques pour stimuler la croissance des arbres, améliorer leur résilience face aux contraintes climatiques et anthropiques et limiter l’impact négatif des agents pathogènes (Li et al., 2023; Brüssow et al., 2024). Les recherches futures devront se concentrer sur l’identification des mécanismes gouvernant ces réponses microbiennes et sur l’évaluation des implications à long terme pour la fertilité des sols, la productivité des écosystèmes forestiers, et la conservation de leur richesse écologique.
3. Les différentes communautés fongiques en forêt
Dans les forêts tempérées, boréales ou tropicales, on distingue trois groupes majeurs de champignons, définis par leur mode de nutrition, notamment en ce qui concerne l’acquisition du carbone (Figure 2; Baldrian, 2017; Lebreton et al., 2021; F. Martin, 2021):
– Les décomposeurs ou saprotrophes : ces champignons consomment efficacement les polysaccharides et les protéines de la nécromasse végétale, microbienne et animale. Ils incluent les agents de la pourriture blanche et brune, ainsi que les dégradeurs de litière. Certains de ces mycètes, comme le Polypore du Pin (Heterobasidion annosum), sont des parasites de faiblesse capables d’infecter les arbres affaiblis.
– Les symbiotes mutualistes : ces champignons se nourrissent de sucres simples, comme le glucose, provenant de leur plante-hôte, tout en ayant des effets bénéfiques pour celle-ci. Leurs réseaux mycéliens souterrains explorent le sol et la litière à la recherche d’éléments minéraux, qu’ils transportent et transfèrent à leur plante-hôte en échange des sucres importés.
– Les parasites ou pathogènes : ces champignons infectent les plantes et les animaux, détournant à leur profit les sucres et les acides aminés solubles accumulés dans les tissus colonisés, ce qui peut finir par affaiblir ou tuer leur hôte.
Quelques espèces de champignons sylvestres : des champignons ectomycorhiziens ((A) Russule (Russula sp.) ; (B) Bolet radicant (Caloboletus radicans)), et des champignons saprotrophes, dont un agent de la pourriture blanche ((C) Amadouvier (Fomes fomentarius)), un agent de la pourriture brune ((D) Polypore marginé (Fomitopsis pinicola)), un décomposeur de la litière ((E) Clitocybe nébuleux (Clitocybe nebularis)) et un souchier ((F) Clavaire en chandelier (Artomyces pyxidatus)).
Les champignons décomposeurs jouent un rôle crucial en assurant la productivité et la durabilité à long terme des écosystèmes, y compris les forêts. Leur mycélium possède un arsenal enzymatique (ligninases, cellulases, pectinases) qui dégrade les polysaccharides et la lignine du bois et des détritus végétaux. Les champignons xylophages et dégradeurs de matière organique libèrent ainsi les éléments minéraux et le carbone de la nécromasse, les recyclant dans la biomasse et maintenant la fertilité et la production primaire, essentiellement assurée par les arbres.
Les champignons des deux autres catégories interagissent directement avec l’arbre-hôte et affectent ainsi l’état du peuplement forestier. Vivant en partie à l’intérieur des tissus des arbres, ils influencent positivement (symbiotes mutualistes) ou négativement (parasites) leur métabolisme, leur physiologie et leur croissance.
Les champignons pathogènes infectent les plantes et les animaux et détournent à leur profit les sucres et les acides aminés solubles accumulés dans les tissus colonisés entraînant l’affaiblissement et parfois la mort de leur hôte. Des mycètes biotrophes, comme les rouilles foliaires du Peuplier (Melampsora spp.), parasitent leurs hôtes sans les tuer, alors que l’infection par des champignons nécrotrophes, comme l’Amadouvier (Fomes fomentarius), aboutit à la mort de l’arbre.
Les champignons symbiotiques mycorhiziens colonisent la surface des racines et l’espace intercellulaire de l’épiderme racinaire et du parenchyme cortical. Chez certaines associations mycorhiziennes, comme celles à arbuscules, des orchidées et des éricacées, les hyphes forment également des structures intracellulaires. À partir de la racine colonisée, les hyphes des champignons mycorhiziens développent souvent un réseau dense de filaments dans la rhizosphère et le sol, où ils puisent des éléments minéraux, notamment les nitrates et le phosphate inorganique. Certains champignons symbiotiques peuvent également dégrader des composés organiques du sol (phytates, protéines), libérant des phosphates biodisponibles et des acides aminés solubles. Une partie de ces nutriments est ensuite rétrocédée à la plante-hôte en échange de glucose.
De plus, les champignons mycorhiziens établissent des connexions entre plusieurs plantes via des réseaux d’hyphes souterrains (Rog et al., 2020). Plusieurs études suggèrent que ces réseaux fongiques facilitent le mouvement des ressources au sein d’une même communauté végétale (Figure 3) (Simard et al., 1997; Selosse, Richard et al., 2006; Klein et al., 2016), mais l’importance écologique de ces réseaux d’entraide est actuellement contestée (Karst et al., 2023; Robinson et al., 2024). Ces critiques ne remettent pas en cause l’existence des réseaux mycorhiziens souterrains, mais leur rôle dans l’échange d’éléments nutritifs entre les plantes, une forme d’entraide entre les plantes. Suite à cette polémique scientifique, plusieurs expérimentations sont mises en place dans des peuplements forestiers adultes afin d’estimer l’importance quantitative des flux de nutriments et de signaux circulant dans les réseaux mycorhiziens d’entraide (van der Heijden et al., 2015; Rillig et al., 2025). Dans les sous-bois, les flux de sucres transitant par les réseaux de champignons ectomycorhiziens sont parfois « pillés » par les champignons associés aux plantes mycohétérotrophes et mixotrophes, par exemple des orchidées, qui sont alors des parasites du réseau mycorhizien (Selosse, Richard et al., 2006, Figure 3).
Représentation hypothétique de la communauté mycorhizienne du sol dans une forêt dominée par des espèces de chênes associées à différents types de champignons mycorhiziens qui forment des réseaux mycéliens interconnectés (fléches jaunes) pouvant éventuellement être utilisés pour transporter des acides aminés, des glucides, des lipides, des microARN et des peptides de signalisation ou des hormones entre plantes-hôtes. Un chêne vert (Quercus ilex) (1) forme des racines ectomycorhizées avec les hyphes du bolet à chair jaune (Xerocomellus chrysentheron) (2) et du Laccaire améthyste (Laccaria amethystina) (3), tandis qu’un chêne sessile (Quercus petrea) (4) établit une ectomycorhize et des réseaux de filaments avec Xerocomellus chrysentheron (2) et l’amanite tue-mouches (Amanita muscaria) (5). Les ectomycorhizes sont représentées par des points colorés sur les systèmes racinaires. Les réseaux de filaments de X. chrysentheron relient Q. ilex et Q. petrea par un réseau mycorhizien commun (RMC). L’orchidée Néottie nid-d’oiseau non photosynthétique (Neottia nidus-avis) et son réseau fongique de mycorhizes d’orchidées (ORM) (6) parasitent le réseau mycorhizien du chêne vert. La petite pervenche (Vinca minor) est colonisée par des champignons mycorhiziens à arbuscules, formant un réseau mycorhizien indépendant (7). Différentes couleurs représentent différents réseaux de champignons mycorhiziens, avec les racines mycorhizées sous forme de points de la même couleur. Notez que d’autres combinaisons sont possibles (par exemple, les forêts boréales avec des arbres ectomycorhizés abritent souvent un sous-bois d’éricacées (par exemple, rhododendrons, myrtilles et airelles) qui forment des associations de mycorhizes éricoïdes. Illustration de Florian Gadenne. Adaptée de F. Martin and van der Heijden (2024) avec permission.
La symbiose mycorhizienne présente donc un intérêt majeur pour les biologistes, les écologues et les gestionnaires forestiers, car elle influence notablement la santé, la productivité et la diversité des plantes. Elle joue également un rôle clé dans les cycles du carbone, de l’azote et du phosphore dans les écosystèmes. À l’échelle planétaire, les plantes mycorhizées stockent plus de 350 gigatonnes de carbone dans leur biomasse aérienne, soulignant l’importance de ces champignons comme ingénieurs d’écosystèmes fournissant de nombreux services écosystémiques (Peay et al., 2016; Baldrian et al., 2023). Il s’agit désormais de mieux comprendre le rôle du microbiote des arbres afin de le favoriser dans les programmes de conservation des forêts anciennes, de reboisements forestiers, de migration assistée d’essences sylvicoles et de restauration de sites perturbés ou pollués.
4. La biodiversité des symbioses mycorhiziennes
Les associations mycorhiziennes sont omniprésentes dans le règne végétal. On estime que 72 % des espèces végétales établissent une symbiose avec des champignons mycorhiziens à arbuscules de la famille des Gloméromycètes. Environ 2 % des plantes, essentiellement des arbres, forment des associations à ectomycorhizes, 10 % (orchidées) des mycorhizes orchidoïdes et 1,5 % (Éricacées) des mycorhizes éricoïdes (van der Heijden et al., 2015; Brundrett and Tedersoo, 2018; F. Martin and van der Heijden, 2024). Les éricacées, comme les rhododendrons, les airelles et les azalées, et leurs champignons symbiotiques, jouent un rôle crucial dans la séquestration du carbone en générant une litière végétale et microbienne récalcitrante, très lente à se décomposer et conduisant ainsi à l’accumulation de carbone organique dans le sol des zones boréales et montagneuses (Ward et al., 2022). Par conséquent, les écosystèmes où dominent les éricacées et leurs champignons éricoïdes accumuleraient près de 20 % du stock terrestre de carbone de la planète (Perotto et al., 2018; Soudzilovskaia et al., 2019).
Certaines espèces, telles que les peupliers et les eucalyptus, peuvent former des associations symbiotiques avec des champignons à arbuscules et des champignons ectomycorhiziens. Cependant, ces deux types de symbiotes ne colonisent pas les racines simultanément. Les champignons mycorhiziens à arbuscules (Gloméromycètes) sont souvent abondants au stade juvénile, tandis que les champignons ectomycorhiziens colonisent les arbres plus âgés. Presque tous les écosystèmes sont dominés par des plantes mycorhiziennes (Brundrett and Tedersoo, 2018; Steidinger et al., 2019), à l’exception des terres arables intensément cultivées et des sols extrêmement pauvres en phosphore, où dominent des plantes comme les Protéacées et certaines Cypéracées. Environ 8 % des plantes, comme les plantes aquatiques, carnivores ou parasites, ne semblent pas développer de symbioses mycorhiziennes.
5. Principaux facteurs contrôlant la diversité des communautés mycorhiziennes
Un des fronts de science actuels en écologie des champignons mycorhiziens vise à identifier les facteurs génétiques et environnementaux qui influencent la structure spatiale et temporelle des communautés et des populations de ces champignons. Il s’agit de recenser la diversité spécifique des champignons mycorhiziens dans les différents écosystèmes terrestres — des tropiques aux cercles polaires — Tedersoo et al. (2014), Větrovský, Kohout et al. (2019), Větrovský, Morais et al. (2020), Větrovský, Kolaříková et al. (2023), de cartographier leur distribution spatiale et temporelle, et de caractériser les moteurs de la structuration génétique de ces communautés fongiques. Une fois la richesse en espèces et la répartition spatiale des différents symbiotes déterminées selon les saisons, les microbiologistes cherchent à caractériser les fonctions exprimées par ces champignons, telles que celles impliquées dans la décomposition de la matière organique ou l’absorption de l’azote minéral (Zeng et al., 2023; Auer et al., 2024). Il apparaît que la composition des communautés fongiques est étroitement liée à leur environnement abiotique et biotique, et évolue avec l’âge de l’écosystème. De nombreux facteurs biotiques (par exemple la flore) et abiotiques (par exemple, le pH et le volume des précipitations) influencent cette diversité à différentes échelles spatiales : continentale, régionale, locale (au niveau du massif forestier ou de la parcelle) et même à l’échelle d’une racine. Plusieurs facteurs agissent souvent ensemble ou successivement pour structurer les communautés et populations fongiques. Parmi ces facteurs, on trouve la composition et la structure des formations végétales, les stratégies de reproduction, la dissémination du mycélium et des spores, l’exploitation des ressources, ainsi que la résistance et la résilience face aux perturbations biotiques et abiotiques.
La répartition des différents types de mycorhizes dans les biomes terrestres n’est pas aléatoire, mais étroitement liée au climat. Le type de mycorhize dominant varie selon les conditions climatiques (Read, 1991; Read and Perez-Moreno, 2003). Par exemple, les formations végétales arctiques et alpines sont dominées par des plantes formant des mycorhizes éricoïdes, tandis que les régions boréales sont dominées par des conifères ectomycorhiziens et les forêts tempérées hébergent un mélange de ligneux associés aux champignons ectomycorhiziens et endomycorhiziens à arbuscules. Les forêts subtropicales et tropicales, quant à elles, sont principalement constituées de plantes formant des mycorhizes à arbuscules, même si certains massifs forestiers, dominés par des Diptérocarpacées, sont riches en champignons ectomycorhiziens. Ces observations ont été confirmées par des méta-analyses de la distribution des communautés fongiques à l’échelle continentale (Steidinger et al., 2019; Větrovský, Kohout et al., 2019; Větrovský, Morais et al., 2020). Ces études globales montrent une relation étroite entre la latitude ou l’altitude, le climat, le sol et le type de mycorhize(s). Un exemple de cette approche globale de la diversité fongique est la base de données GlobalFungi (https://globalfungi.com), qui compile et cartographie la diversité mondiale des champignons du sol à partir de plus de 85 000 échantillons provenant de 846 inventaires moléculaires, totalisant plus de 3,5 milliards de séquences d’ADN ribosomiques fongiques (Větrovský, Kohout et al., 2019; Větrovský, Morais et al., 2020). Il ressort que le climat est un facteur majeur déterminant la répartition mondiale des champignons du sol. Parmi les facteurs environnementaux, 65 % de la variabilité s’explique par des facteurs climatiques, 24 % par des variables liées au sol et 11 % par des variables liées à la végétation. Parmi les variables climatiques, la température (39 %) et les précipitations (27 %) jouent un rôle crucial. Parmi les caractéristiques du sol, la densité apparente (14 %) est plus influente que le pH du sol (9,5 %). En raison de leurs liens étroits avec les végétaux, les champignons mycorhiziens symbiotiques sont plus sensibles aux changements climatiques rapides que les autres types de champignons, tels que les décomposeurs ou les pathogènes.
6. Effet du réchauffement climatique
Le réchauffement climatique entraîne des modifications significatives des communautés végétales et microbiennes forestières (Seidl et al., 2017; Jansson and Hofmockel, 2020; Baldrian et al., 2023). L’augmentation des températures modifie la distribution géographique des champignons du sol. Cette migration des champignons affecte directement les arbres avec lesquels ils sont en symbiose. Par exemple, le hêtre (Fagus sylvatica), une essence sylvicole majeure des forêts européennes, migre progressivement en altitude (1 mètre/an depuis 1925) dans les zones montagneuses, ce qui modifie son aire de répartition et, par conséquent, celle de son cortège fongique. Ces modifications dans la composition des communautés fongiques pourraient aboutir à terme à une perte de certains services écosystémiques, notamment en termes de recyclage et de stockage de la matière organique et de fertilité des sols, mais aussi à la disparition de certaines espèces. Une étude menée dans les Alpes a montré que les champignons mycorhiziens migrent vers des altitudes plus élevées à un rythme de 0,6 à 2,2 mètres par an, suivant leurs hôtes végétaux (Diez et al., 2020). Ces déplacements perturbent les équilibres écologiques locaux, en particulier dans les écosystèmes de haute altitude où la fenêtre de croissance des plantes est déjà très courte. Aux États-Unis, des études conduites dans les pinèdes ont montré que l’élévation des températures favorisait les champignons décomposeurs au détriment des champignons mycorhiziens, conduisant à une augmentation de la vitesse de décomposition de la litière et réduisant ainsi le stockage du carbone dans les sols (Treseder et al., 2016).
Dans les forêts tempérées, des expériences de réchauffement prolongées du sol, comme celles menées à la station expérimentale de la Harvard Forest (Worcester County, Massachusetts, USA) ont montré une réorganisation des communautés microbiennes, avec une diminution du nombre de champignons ectomycorhiziens (Pec et al., 2021; Baldrian et al., 2023). Ces changements influencent le stockage du carbone dans la matière organique du sol et le cycle des nutriments. Par exemple, la hausse des températures accélère la décomposition des polysaccharides accumulés dans la matière organique par les champignons et les bactéries saprotrophes, augmentant les émissions de CO2 et de CH4. De plus, des études de long terme (Melillo et al., 2017) montrent que le réchauffement prolongé des sols peut provoquer des phases successives de perte de carbone rapide, de réorganisation des communautés microbiennes, et d’appauvrissement des stocks de matière organique facilement dégradable.
7. Effet de la sécheresse sur les communautés microbiennes
La sécheresse édaphique est l’un des facteurs majeurs impactant la composition du microbiote des sols. Elle entraîne une réduction de la biomasse microbienne, une augmentation du rapport champignons/bactéries et une altération des processus biogéochimiques, comme la nitrification et la décomposition de la matière organique (Meisner et al., 2018). Plusieurs études ont montré que les communautés fongiques et leurs réseaux sont plus stables en période de sécheresse que les communautés bactériennes (de Vries et al., 2018) et que les champignons possèdent plusieurs caractéristiques physiologiques et morphologiques leur permettant d’éviter la déshydratation. Par exemple, de nombreuses espèces sont capables de renforcer leurs parois cellulaires ou d’augmenter la synthèse d’osmolytes (comme le glycérol) qui régulent le potentiel hydrique cellulaire (Jansson and Hofmockel, 2020; Wang et al., 2025). Cependant, ces adaptations sont énergétiquement coûteuses et peuvent être insuffisantes lors de périodes prolongées de sécheresse extrême. La tolérance à la sécheresse des champignons ectomycorhiziens varie selon les espèces, avec un déclin des espèces sensibles à la sécheresse, comme Hygrophorus sp., et une abondance élevée des espèces tolérantes, comme Cenococcum geophilum, pendant les périodes de dessiccation (Baldrian et al., 2023; Wang et al., 2025).
Dans les forêts boréales, les sécheresses récurrentes réduisent la diversité des champignons ectomycorhiziens et favorisent les communautés de champignons saprotrophes capables de décomposer rapidement la matière organique (Baldrian et al., 2023). Une étude réalisée dans les chênaies de Californie a révélé que les épisodes de sécheresse prolongée réduisaient les populations de champignons ectomycorhiziens, avec des conséquences négatives sur l’absorption des éléments minéraux (Allen et al., 2010). Ces effets sont souvent exacerbés par la compaction des sols et la diminution de la matière organique, qui réduisent la capacité des réseaux mycéliens à se rétablir après des perturbations.
8. Effet de l’augmentation des dépôts atmosphériques d’azote
Les dépôts atmosphériques d’azote, principalement dus aux activités humaines (comme l’agriculture intensive, les porcheries et les émissions industrielles) localisées dans les régions de l’Europe de l’Ouest, modifient la structure des communautés forestières. Dans les forêts européennes, la redistribution des espèces végétales est modifiée en réponse au réchauffement climatique (migration vers les régions nordiques ou montagnardes plus tempérées), mais également vers l’ouest — une migration fortement corrélée à l’excès d’azote des sols issu de la pollution atmosphérique entraînée par les vents d’ouest vers l’Europe centrale — Sanczuk et al. (2024). Ces modifications progressives des communautés végétales modifient les communautés microbiennes, en favorisant les bactéries nitrophiles et en réduisant l’abondance de certains champignons ectomycorhiziens, comme la girolle (Cantharellus cibarius). Les champignons mycorhiziens, qui sont adaptés à des sols pauvres en nutriments, perdent leur avantage compétitif dans les sols enrichis en azote. En Europe, des études menées dans les forêts de feuillus ont montré que l’excès d’azote favorise les champignons saprotrophes au détriment des champignons symbiotiques ectomycorhiziens (Lilleskov, Hobbie and Fahey, 2002; Lilleskov, Hobbie and Horton, 2011). Cela se traduit par une diminution de la stabilité des sols et une augmentation des émissions de CO2 liées à la décomposition de la matière organique. Les écosystèmes forestiers en Europe et en Amérique du Nord ont été particulièrement touchés par les dépôts azotés, avec des effets négatifs sur la diversité des champignons mycorhiziens et une réduction de la capacité des sols à séquestrer le carbone à long terme (Lilleskov, Hobbie and Fahey, 2002; Erik et al., 2024).
9. Effet des feux de forêt
Les incendies de forêt, exacerbés par le réchauffement et la sécheresse, perturbent fortement le microbiote des sols (Koster et al., 2021; Nelson et al., 2022). Dans les forêts boréales canadiennes, les feux récurrents diminuent la biomasse microbienne, altèrent la composition des communautés fongiques et réduisent le stockage du carbone à long terme (Holden, Gutierrez et al., 2013; Holden, Rogers et al., 2016; Koster et al., 2021). En Europe, les études sur les maquis méditerranéens ont montré que les feux récurrents favorisaient les espèces de champignons opportunistes au détriment des espèces symbiotiques, altérant durablement la dynamique des écosystèmes (Bastias et al., 2006). Les incendies agissent comme un agent de sélection en modifiant la composition phylogénétique des communautés de champignons ectomycorhiziens associées aux pins lors des régénérations naturelles, favorisant certains groupes comme des champignons potentiellement adaptés au feu (Rincón et al., 2014). Ces perturbations augmentent la vulnérabilité des sols à l’érosion et réduisent leur capacité à soutenir une recolonisation végétale efficace.
10. Adaptations et réponses écologiques
Malgré les perturbations liées aux changements climatiques, certaines communautés microbiennes montrent une capacité d’adaptation remarquable. Les champignons ajustent leur métabolisme en fonction des stress hydriques et des fluctuations dans la concentration des éléments nutritifs. Voici quelques exemples illustrant ces réponses :
- Plasticité génétique et réponse transcriptomique : des études menées sur les champignons ectomycorhiziens ont montré une activation accrue de gènes liés à la tolérance au stress hydrique en condition de sécheresse. Par exemple, l’ascomycète Cenococcum geophilum favorise l’accumulation de sucres solubles en réponse au choc osmotique (Wang et al., 2025).
- Migration altitudinale : dans les Alpes, les champignons ectomycorhiziens migrent vers des altitudes plus élevées avec leurs hôtes. Par exemple, plusieurs espèces de cortinaires et de russules, généralement présents à moyenne altitude, colonisent progressivement les étages supérieurs, plus froids, où les conditions leur sont plus favorables (Diez et al., 2020).
- Colonisation de niches perturbées : dans les zones affectées par les feux de forêts, des champignons opportunistes comme les Pezizales se développent rapidement dans les sols riches en carbone résiduel, facilitant la recolonisation par des espèces forestières à long terme (Glassman et al., 2016).
11. Initiatives de conservation et perspectives
Il est impératif de préserver la naturalité des écosystèmes peu anthropisés, comme les forêts, et d’augmenter les surfaces dédiées aux réserves biologiques intégrales et aux zones protégées (Natura 2000, zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNEFF)). De même, la multiplication des surfaces dévolues aux forêts anciennes ou en libre évolution favorisera la richesse microbienne sylvicole. Dans les forêts de production, il faut encourager par la réglementation une gestion durable afin de préserver la biodiversité, la qualité et la fertilité des sols et le stockage du carbone. Les plans de gestion forestière devront s’efforcer de limiter les coupes rases, la fragmentation des parcelles et le passage des gros engins forestiers qui affectent de façon durable la diversité végétale et microbienne (Hartmann et al., 2014; Vennin et al., 2025).
Au-delà de l’augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique, le changement climatique actuel se caractérise par des sécheresses édaphiques récurrentes, des vagues de chaleur printanière inhabituelles et la multiplication des tempêtes et des forts coups de vent. Ce dérèglement climatique provoque une multiplication des dépérissements forestiers. Sur la période 2021-2023, le taux d’arbres forestiers altérés est supérieur à 15 % dans le Grand Est, conduisant à un ralentissement de l’accroissement biologique et une moindre absorption de carbone des forêts (Inventaire forestier national, 2024). Des solutions innovantes comme la transplantation de microbiotes (Allsup et al., 2023) et la mycorhization contrôlée (Le Tacon et al., 1997) offrent des perspectives prometteuses pour atténuer les effets des dépérissements forestiers et tenter de restaurer les massifs forestiers perturbés, par exemple les chênaies de l’Oise. Ces techniques d’ingénierie microbienne consistent à manipuler les communautés microbiennes afin d’améliorer les fonctions écosystémiques essentielles, telles que la fertilité des sols, la croissance des jeunes plants et leur résistance aux stress abiotiques. Il s’agit désormais (1) d’intégrer les processus microbiens dans les scénarios d’adaptation des forêts aux changements environnementaux et (2) de mettre en œuvre des solutions basées sur une utilisation raisonnée du microbiote dans les programmes de restauration, comme l’utilisation de micro-organismes pour améliorer la fertilité des sols, favoriser la transplantation et la croissance des jeunes plantules et la capture du carbone dans les sols.
Par exemple, les expérimentations menées sur les champignons mycorhiziens, comme le symbiote Rhizophagus irregularis, ont démontré qu’ils pouvaient être utilisés pour renforcer l’absorption du phosphore et de l’azote dans les sols appauvris (Onyeaka et al., 2024; F. Martin and van der Heijden, 2024). La mycorhization contrôlée consiste à inoculer des sols avec des champignons mycorhiziens sélectionnés pour établir une symbiose efficace avec les plantes. Cette pratique a été déployée à grande échelle afin de soutenir la croissance des semis de sapin de Douglas colonisés par Laccaria bicolor (Le Tacon et al., 1997). Selosse, F. Martin et al. (1999) ont démontré que, dans les plantations, l’inoculum mycorhizien persistait de nombreuses années sur les arbres adultes. En l’absence de travail du sol et de fertilisation, l’association symbiotique se réalise bien en forêt : elle est donc manipulable. Dans les sols agricoles, le labour intensif détruit les réseaux mycéliens et la fertilité élevée rompt l’association symbiotique.
La mycorhization contrôlée est largement pratiquée dans les régions affectées par la désertification ou l’appauvrissement des sols. Par exemple, dans des plantations de pin maritime (Pinus pinaster) en Espagne, l’inoculation avec Pisolithus tinctorius a permis une augmentation significative de la croissance des arbres soumis à des conditions de sécheresse (Requena et al., 2001). Elle est également employée pour l’inoculation de chênes et de noisetiers par différentes espèces de truffes, truffe du Périgord (Tuber melanosporum), truffe de Bourgogne (T. aestivum uncinatum) (Figure 4) ou truffe blanche du Piedmont (T. magnatum) (Murat et al., 2017). La trufficulture est particulièrement efficace quand les vergers sont installés sur d’anciennes terres agricoles ou vignobles. Dans ces programmes de mycorhization contrôlée, il est indispensable d’éviter l’introduction de souches microbiennes exotiques afin d’éviter des effets indésirables sur la biodiversité microbienne locale.
Truffière expérimentale de Boncourt-sur-Meuse. L’inoculation contrôlée des plantules de noisetiers par le mycélium de la truffe de Bourgogne permet la production de fructifications quelques années après la plantation. La plupart des truffières sont désormais équipées d’un système d’irrigation afin de limiter les sécheresses édaphiques estivales.
Allsup et al. (2023) ont montré que des semis d’arbres inoculés avec des communautés microbiennes complexes (bactéries et champignons), provenant de sites plus secs, plus chauds ou plus froids de l’Illinois (USA), présentaient une meilleure survie lorsqu’ils étaient confrontés respectivement à un stress de sécheresse, de chaleur ou de froid. La tolérance à la sécheresse induite par l’inoculation microbienne était associée à une diversité accrue de champignons mycorhiziens à arbuscules, tandis que la tolérance au froid était associée à une richesse fongique plus faible, reflétant probablement une charge réduite de taxons fongiques non adaptés.
L’inventaire moléculaire et la cartographie de la diversité microbienne, la transplantation de microbiotes adaptés à la sécheresse, et la mycorhization contrôlée de plants forestiers sont actuellement développés dans le cadre de projets de restauration de massifs forestiers (par exemple, la chênaie du domaine de Chantilly dans l’Oise). Ces approches, ainsi qu’une gestion sylvicole favorisant la diversification des espèces par la régénération naturelle et la migration assistée d’essences sylvicoles, devront être intégrées dans des programmes globaux de gestion durable des territoires. Leur mise en œuvre, par exemple au sein du réseau des parcs naturels régionaux, nécessitera une collaboration étroite entre scientifiques, gestionnaires et décideurs politiques pour optimiser les adaptations techniques et les impacts à l’échelle des territoires. Ces méthodes d’ingénierie écologique microbienne et de gestion sylvicole durable devraient nous permettre d’atténuer les effets des changements environnementaux en cours. Cependant, elles doivent s’accompagner d’une politique de transition écologique affirmée visant à limiter l’impact dévastateur des activités humaines sur la biodiversité et, plus largement, sur les écosystèmes naturels.
12. Conclusions et recherches futures
Cet article fait le point sur les connaissances actuelles concernant la biologie et l’écologie des champignons dans les écosystèmes forestiers. Les recherches confirment que les champignons décomposeurs et mycorhiziens jouent un rôle crucial dans les forêts en régulant les cycles biogéochimiques, notamment celui du carbone, et en soutenant la croissance et la santé des arbres.
Les techniques de séquençage à haut débit permettent désormais de recenser la diversité et la richesse des communautés de champignons sylvicoles, de cartographier leur distribution spatiale et de suivre leur dynamique dans divers types de forêts (Auer et al., 2024). Il est ainsi possible d’évaluer une composante majeure de la biodiversité forestière et de s’assurer de la qualité des sols, de la durabilité des modes de gestion sylvicole ou de l’état de santé des forêts protégées.
La génomique comparative de centaines de champignons décomposeurs et mycorhiziens a permis de mieux comprendre l’évolution des symbiotes mutualistes à partir de leurs ancêtres saprotrophes (Lebreton et al., 2021). Ces ressources génomiques facilitent l’étude des processus biologiques, génétiques et évolutifs régissant le développement et le fonctionnement des communautés fongiques du sol. Elles permettent également d’étudier les fonctions exprimées par les communautés de champignons des sols forestiers grâce à la métatranscriptomique, l’analyse de l’ensemble des transcriptomes fongiques du sol (Auer et al., 2024). Ces nouvelles approches d’écologie génomique nous éclairent sur le rôle des champignons dans la croissance et l’évolution des plantes, le fonctionnement des cycles biogéochimiques, la microbiologie des sols et l’évolution des forêts face aux changements environnementaux.
La mycorhization a un impact bénéfique sur la croissance des semis forestiers, notamment dans les programmes de reboisement et de plantations. Les champignons symbiotiques stimulent l’alimentation minérale des jeunes plants, assurent une bioprotection contre les pathogènes du sol et améliorent la structure des sols. La maîtrise de la symbiose mycorhizienne est donc un atout majeur dans une approche écologique de la gestion des plantations forestières ou dans la restauration de massifs forestiers dépérissants. La recherche actuelle vise à mieux comprendre les mécanismes structurant la composition et la dynamique des communautés de micro-organismes associés à une plante, son microbiote, dans lequel les champignons mycorhiziens jouent un rôle clé. Dans les années à venir, il sera probablement possible de semer ou de planter des arbres fortifiés par un microbiote sélectionné, rendant ces arbres plus résistants aux conditions environnementales stressantes imposées par les changements climatiques.
Glossaire
Anthropiques : relatif aux activités humaines ou aux effets de celles-ci sur l’environnement.
Cycles biogéochimiques : processus naturels de circulation et de transformation des éléments chimiques (carbone, azote, phosphore, etc.) entre les composants vivants (biosphère) et non vivants (lithosphère, hydrosphère, atmosphère) des écosystèmes.
Ectomycorhizes : association symbiotique mutualiste entre un champignon (généralement un ascomycète ou un basidiomycète) et les racines d’une plante, caractérisée par la formation d’un manchon fongique autour des racines courtes et d’un réseau mycélien intraradiculaire (mais sans pénétration intracellulaire).
Forêts gérées : écosystèmes forestiers soumis à des interventions humaines planifiées (sylviculture) visant à atteindre des objectifs spécifiques de production, de conservation ou de protection.
Ligninase : enzyme de dégradation de la lignine, par exemple les peroxydases de classe II.
Microbiote : ensemble des micro-organismes — bactéries, champignons, protistes — vivant dans un environnement spécifique chez un hôte, dans un substrat ou dans un écosystème.
Migration assistée : stratégie de conservation consistant à déplacer intentionnellement des espèces, des populations ou des génotypes vers des habitats plus favorables, généralement en réponse aux changements climatiques.
Plantes mixotrophes : plantes capables d’utiliser à la fois des sources autotrophes (photosynthèse) et hétérotrophes (absorption de matière organique) pour leur nutrition, comme certaines plantes mycorhiziennes ou carnivores.
Plantes mycohétérotrophes : plantes achlorophylliennes qui dépendent entièrement de leurs partenaires fongiques mycorhiziens pour leur approvisionnement en carbone, établissant une relation symbiotique avec des champignons eux-mêmes associés à des plantes autotrophes.
Mycorhizes à arbuscules : symbiose mutualiste entre des champignons glomeromycètes et les racines des plantes, caractérisée par la formation d’arbuscules (structures d’échange intracellulaires) et de vésicules (organes de stockage) dans le cortex racinaire.
Mycorhizes orchidoïdes : associations mycorhiziennes spécifiques et obligatoires pour les orchidées, où le champignon fournit des nutriments essentiels, comme des sucres solubles, à la germination des graines et à la nutrition des plantes adultes (par exemple des orchidées achlorophylliennes).
Mycorhizes éricoïdes : type de mycorhize associé aux plantes de la famille des Éricacées, caractérisé par une colonisation intracellulaire des racines par des hyphes fongiques formant des pelotons (enroulements d’hyphes).
Osmolyte : petite molécule organique soluble (comme la proline, la glycine-bétaïne ou les sucres polyols) qui s’accumule dans les cellules pour maintenir l’équilibre hydrique et protéger contre le stress osmotique.
Déclaration d’intérêts
L’auteur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que ses organismes de recherche.

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