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Comptes Rendus

Histoires de fontes. Entre le phlogistique et la plombagine : où situer la « fonte à l'oxygène » ?
Comptes Rendus. Chimie, Volume 11 (2008) no. 6-7, pp. 772-787.

Résumés

Iron stories. Between phlogiston and plumbago : which place for ‘oxygen cast-iron’? The evolution of knowledge on steel and iron, with the first quantitative chemical analysis by Lavoisier, is described along the 18th century and the first years of the 19th. After the classification by Réaumur of wrought iron, steel and cast iron, based on an increasing content of ‘sulphurs and salts’, replaced by phlogiston and plumbago, the publication by Lavoisier of a high oxygen content in cast iron darkened the understanding of iron metallurgy. It was necessary to wait until the beginning of the 19th century, when Berzelius restored the situation.

Cet article décrit l'évolution des connaissances sur l'acier et la fonte ainsi que l'influence des premières analyses chimiques quantitatives de Lavoisier au cours du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Après la classification, par Réaumur, du fer, de l'acier et des fontes sur la base de teneurs croissantes « en sels et en soufres », remplacés par le phlogistique et la plombagine, l'annonce faite par Lavoisier de fortes teneurs en oxygène dans la fonte va bouleverser et obscurcir la compréhension de la métallurgie du fer. Il faudra attendre Berzelius, au début du XIXe siècle, pour rétablir la situation.

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Publié le :
DOI : 10.1016/j.crci.2007.11.011
Keywords: Phlogiston, Plumbago, Oxygen in cast-iron
Mots clés : Phlogistique, Plombagine, Oxygène dans la fonte
Jean Le Coze 1

1 École nationale supérieure des mines, CNRS UMR 5146, 42023 Saint-Étienne cedex 2, France
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Jean Le Coze. Histoires de fontes. Entre le phlogistique et la plombagine : où situer la « fonte à l'oxygène » ?. Comptes Rendus. Chimie, Volume 11 (2008) no. 6-7, pp. 772-787. doi : 10.1016/j.crci.2007.11.011. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.1016/j.crci.2007.11.011/

Version originale du texte intégral

Au citoyen Lavoisier, guillotiné sous la Terreur, avant d'avoir achevé son œuvre scientifique

1 Introduction

Au XVIIIe siècle, la mise en place de méthodes d'analyse chimique quantitatives, grâce en particulier aux travaux de Lavoisier a profondément modifié la description des procédés d'élaboration du fer, de la fonte et des aciers. Il se produisit alors une transition fondamentale entre le langage de Réaumur au début du siècle et celui de Lavoisier et de ses disciples, au dernier quart du siècle. Avec le recul du temps, on peut constater que cette évolution n'a pas été linéaire. Elle fut plutôt chaotique. Certaines découvertes du début du XVIIIe siècle ont été écartées vers la fin du siècle, et il a fallu attendre le XIXe siècle pour éclaircir la situation.

Les questions discutées ici concernent la description de la relation entre la fonte blanche et la fonte grise au XVIIIe siècle, mais ceci n'est possible qu'en relation avec le problème général de la classification entre le fer doux, la fonte et l'acier, lequel n'est que rapidement abordé.

Différentes notions vont apparaître tour à tour : (1) la pureté et son plus ou moins grand degré dans la fonte, l'acier et le fer, (2) le phlogistique et la plombagine, et enfin (3) la forte teneur en oxygène dans la fonte. À la même époque, se mettaient en place les premières idées concernant le rôle du carbone dans le fer, c'est-à-dire que le charbon n'était pas seulement un combustible, mais que le carbone du charbon entrait dans le métal sous différentes combinaisons, par exemple la plombagine et certaines formes de mélanges ou de « solutions », encore à définir.

Après un rappel de nos définitions actuelles des différents types de fontes, seront étudiées les descriptions des fontes et produits ferreux depuis Réaumur jusqu'à l'Encyclopédie, puis celles des débuts de l'analyse quantitative de Lavoisier à la fin du XVIIIe siècle, pour en arriver aux éclaircissements du début du XIXe siècle, en particulier par Berzelius.

2 Définitions préalables

Ce paragraphe rappelle quelques points essentiels des connaissances actuelles sur les fontes, pour aider à situer les problèmes qui se sont posés au XVIIIe siècle. Une telle démarche cherchant à faciliter l'interprétation des textes anciens en utilisant nos connaissances actuelles comporte un piège. Elle masque l'effort nécessaire à la compréhension du cheminement intellectuel de nos prédécesseurs, qui inventaient les connaissances dont nous disposons aujourd'hui. En effet, une lecture trop rapide peut conduire à ranger certains paragraphes un peu « touffus » dans la rubrique « divagations passagères ou non fondées », alors qu'il faut prendre le temps d'analyser chacun des mots d'un langage scientifique qui nous est peu familier aujourd'hui. Pour la discussion des sujets techniques qui nous intéressent, la bonne mesure sera sans doute d'opérer des allers-retours d'un langage à l'autre, en progressant par approximations successives.

Les fontes sont essentiellement des alliages de fer et de 3 à 5% de carbone, plus d'autres éléments (Si, Mn, P, etc.). La classification actuelle se fait entre fontes d'affinage, destinées à la conversion en acier et fontes de moulage, destinées à la fonderie de pièces diverses. Réaumur [1 (p. 390)] avait proposé les termes fonte de gueuse et fer fondu pour représenter ces deux familles de produits. Le mot « gueuse » vient de l'allemand gießen, couler.

Comme au XVIIIe siècle, on classe encore les fontes en « blanches, grises, truitées et noires », à partir de l'aspect des surfaces de rupture du matériau. Dans la fonte blanche, nous savons que le carbone est combiné au fer sous forme de cémentite (carbure Fe3C), alors que, dans une fonte grise (ou noire), le carbone est en partie sous forme de graphite (noir) et en partie sous forme de cémentite. Si on sait que le silicium est un élément graphitisant, contrairement au manganèse, qui facilite la formation de cémentite, on sait aussi que la composition chimique ne suffit pas à elle seule pour définir le caractère blanc ou gris de la fonte, car la sélection de la structure se fait au moment de la solidification. Lorsque la vitesse de solidification est rapide, on obtient de la fonte blanche et, lorsqu'elle est lente, il se forme une fonte grise. C'est la zone de vitesse critique qui est fonction de la composition chimique. À partir de la même composition, on peut donc fabriquer une fonte blanche ou grise, selon la vitesse de refroidissement. De plus, si on refond une fonte grise, on la transforme en fonte blanche par solidification rapide, et si on refond cette même fonte blanche, on la transforme à nouveau en fonte grise par solidification lente, à condition de travailler à composition constante, en protégeant la fonte liquide de toute réaction chimique avec l'oxygène de l'air qui aurait pour effet de brûler du silicium et du carbone, et donc de modifier la composition. En pratique, on produit couramment des pièces dont la surface refroidie rapidement est blanche et dure, avec un cœur gris refroidi plus lentement, moins dur, et donc moins fragile [2,3].

Des termes de « chymie » du XVIIIe siècle vont apparaître dans les citations utilisées plus bas. Il s'agit essentiellement de terres, sels, soufres, calcination, chaux, phlogistique et plombagine. Ces mots ont des significations parfois complexes et toujours différentes des nôtres. Des explications sont proposées dans l'annexe 1.

D'un point de vue lexical, le terme fonte a une longue histoire [4] : autrefois, on disait fer de fonte ou fonte de fer, et le mot fer, sans autre qualificatif, représentait aussi bien le fer forgé ou fer doux que ce que nous appelons la fonte de moulage ou d'affinage. La raison en est que le fer forgé et le fer de fonte étaient produits à partir du minerai, respectivement au bas foyer (réduction directe) et au haut fourneau, à la différence de l'acier, qui était préparé, soit par cémentation du fer doux (« acier artificiel »), soit par décarburation de la fonte de fer (« acier naturel »), c'est-à-dire sans relation directe avec le minerai. Le traitement du minerai dans un haut fourneau d'où le métal sortait liquide était appelé fonte du minerai dès le XIVe siècle ; le terme fer de fonte représentait un fer passé par l'état liquide, au cours de la fonte du minerai. Le terme fonte qui en dérive est un raccourci proposé par Réaumur en 1722 [1 (p. 390)].

L'utilisation du terme fer constitue donc un piège permanent, car il peut représenter le fer doux (ductile, malléable, etc.) aussi bien que la fonte (fer de fonte, fer cru, fer de gueuse, etc.), sans qu'aucun qualificatif ne lui soit accolé.

3 Situation des fontes grises et blanches par rapport au fer et à l'acier depuis Réaumur jusqu'aux débuts de l'analyse chimique

3.1 Fontes blanches et grises

Réaumur [1] a publié en 1722 les résultats de ses études expérimentales dans le domaine que nous appelons aujourd'hui la carburation ou cémentation du fer doux en acier et la décarburation de la fonte solide en acier et en fer doux, pour produire des « fontes malléables ». Il n'a donné, cependant, que quelques indications sur l'affinage de la fonte liquide pour produire du fer et de l'acier, car il prévoyait un second ouvrage sur ce sujet, qui n'a pas vu le jour. Il a décrit la fonte comme un état intermédiaire entre le minerai et le métal, c'est-à-dire un état où la fonte du minerai n'a pas permis d'éliminer assez de soufres et de sels (voir Annexe 1) pour obtenir un produit forgeable. Pour cela, il faudra l'affiner ultérieurement, c'est-à-dire « … la dépouiller d'une partie de ce qui lui est resté de matières terreuses, de brusler ses soufres et lui enlever des sels superflus » [1 (p. 240)].

Selon l'aspect des cassures, Réaumur distingue deux classes de fontes, les blanches et les grises, mais il mentionne aussi les variétés intermédiaires, appelées fontes truitées. Il dit que la différence d'aspect peut provenir du minerai, mais que ce sont surtout les conditions de fonctionnement du fourneau qui en sont la cause : température et proportion de charbon par rapport au minerai [1 (pp. 390–391)]. Une part de la discussion concernait la notion de pureté des fontes blanches et grises, dont Réaumur donne la définition suivante :

« Les fontes blanches sont plus pures que les fontes grises, elles contiennent plus de fer […] dans les forges, on retire plus de fer forgé d'un certain poids de fonte blanche, que du même poids de fonte grise. Il y a plus de matières étrangeres dans les fontes grises, & surtout, probablement, plus de matiere terreuse, plus de matiere vitriffiée, de ce qu'on appelle, dans les fourneaux à mine de fer, du laitier » [1 (p. 391)].

Ainsi, Réaumur définit la notion de pureté par la quantité de fer contenue dans la fonte. C'est l'équivalent de la qualification de l'or par son nombre de carats. Au sujet des terres et matières étrangères, le lecteur est invité à se reporter à l'annexe 1.

3.2 Transformation de fonte grise en fonte blanche

Alors que les fontes blanches et grises semblent se différencier par un niveau de pureté, Réaumur a constaté que l'on peut transformer une fonte grise en fonte blanche en la refondant, ce qui a pour effet de l'affiner (cette technique s'appellera « mazéage » bien plus tard) et, plus particulièrement, lorsqu'on la refroidit rapidement :

« Les fontes grises … se peuvent changer en en cette belle fonte (la blanche) ; & cela sans beaucoup d'art. … La fonte blanche est de la fonte naturellement plus affinée [1 (p. 396)] […] Mais rien ne contribüe davantage à affiner la fonte, à la rendre blanche, que de la couler après qu'elle a été fondüe, & sur-tout de la couler très mince » [1 (p. 398)].

Réaumur explique aussi que, dans une même pièce, il a observé des zones grises et des zones blanches et que « … les endroits où elle étoit grise, étoient communément les plus épais » [1 (p. 398)].

Nous savons que la refusion au contact de l'air peut conduire à une purification ; mais, à l'évidence, le changement de nature blanche/grise dans une même pièce, en fonction de la vitesse de solidification, par exemple par l'épaisseur de la gueuse ou de la pièce coulée, n'a rien à voir avec la pureté. Ce point de discussion n'est pas abordé par Réaumur, qui n'avait pas la possibilité de saisir la complémentarité entre le pré-affinage par refusion à l'air (combustion de Si et C) et le refroidissement rapide pour l'obtention d'une fonte blanche à partir d'une fonte grise.

3.3 Séquence fonte–acier–fer

La filiation mise en évidence par Réaumur entre la fonte de fer (surtout la fonte blanche), l'acier dur et l'acier le plus malléable ou fer doux, est résumée dans le Tableau 1.

Tableau 1

Classement des alliages de fer d'après Réaumur

Fg/FbaTeneur décroissante en parties sulfureuses et salines
Fg peut devenir Fb par refusionFb : « le plus haut degré de l'acier ».acier intraitable à la forge ; trempé, il devient très dur.acier aisé à travailler ; prend dureté de trempe.acier aisé à travailler ; durcit peu à la trempe.acier « pâmé » ou fer.

a Fb : fonte blanche ; Fg : fonte grise.

Cette classification, fondée sur un travail expérimental extrêmement précis, est en accord avec notre description actuelle de la filiation fer–acier–fonte.

Bien que Réaumur n'ait pas donné de définition précise des parties sulfureuses et salines, Diderot [5a] a tranché, quelques années plus tard, en affirmant :

« M. de Réaumur s'est déterminé, pour les matieres sulphureuses, au charbon pur & à la suie de cheminée ; & pour les matieres salines, au sel marin seul… »

L'utilisation de chlorure de sodium dans ce type de cémentation est restée courante jusqu'au XXe siècle, bien qu'on n'ait pas compris son rôle en tant qu'adjuvant de la carburation du fer.

Réaumur explique de plus la réversibilité de la relation exposée dans le Tableau 1. Il montre que l'on peut affiner la fonte blanche de plus en plus jusqu'à obtenir du fer et, inversement, transformer le fer en acier, puis en « trop acier » puis en le « plus haut degré de l'acier », qui est la fonte blanche. Il est intéressant de retrouver le langage de Réaumur lorsqu'il décrit la progression dans le sens de diminution des parties sulfureuses et salines [1 (pp. 242–243)] :

« … la fonte bien épurée, bien blanche, en sera le premier terme ; elle est le plus haut degré de l'acier. Si on brusle les soufres de cette fonte, mais seulement jusqu'à un certain point, on aura le second terme de la progression, qui sera un acier intraitable… Si on surchauffe cet acier intraitable, si on lui enleve de ses matieres salines & inflammables, on le ramenera au troisième terme de la progression à être de l'acier aisé à travailler, & qui pourra prendre de la dureté à la trempe. Si cet acier […] est ensuite chauffé […] il donnera […] un acier aisé à travailler, mais incapable de s'endurcir suffisamment à la trempe. Enfin on aura […] de l'acier pâmé, ou du fer, si on chauffe encore fortement… ».

Une remarque particulièrement importante faite par Réaumur [1 (p. 243)], mais qui semble avoir échappé à ses successeurs, est que cette séquence complète se produit, soit dans un sens, soit dans l'autre, et qu'on ne passe pas directement de la fonte au fer, même si on ne s'en rend pas compte dans les conditions de travail de l'atelier : on passe toujours par l'état intermédiaire d'acier. Réaumur avait un siècle d'avance dans l'assimilation qu'il fit entre « acier pâmé » et fer, continuité qui échappera à beaucoup de personnes, pendant longtemps. Dans les années 1780, on affirmera le contraire, avant de redécouvrir ces résultats au début du XIXe siècle, sans se souvenir que Réaumur les avait mis en évidence expérimentalement.

3.4 La question de la fonte naturellement blanche

G.J. Jars (1774) [6] voyagea à travers toute l'Europe pour observer et décrire les méthodes métallurgiques de nombreux pays.

Pour éclairer la question abordée par Réaumur, du changement possible de couleur des fontes, Jars introduit la notion de fonte naturellement blanche [6 (p. 11)], en opposition à celle de fonte grise rendue blanche par refroidissement rapide :

« … la fonte grise peut, par l'espece de refroidissement, devenir dure, blanche & cassante, & […] réduite en fer, elle en donnera la même quantité que si elle fut restée grise. D'où l'on voit qu'on ne doit pas la confondre avec les fontes naturellement blanches… ».

Jars bute ensuite sur la question de la pureté [6 (p. 12)], problème impossible à résoudre en l'absence d'analyse chimique et qu'il cherche à dissocier de l'effet du refroidissement :

« … la fonte blanche est moins pure en général que la fonte grise ; sa couleur blanche, sa dureté & sa fragilité sont dues à un degré plus ou moins prompt de refroidissement… ».

Une discussion sur la pureté arrive plus loin [6 (p. 18)], où Jars, admirateur de Réaumur, explique pourquoi il considère que celui-ci s'était trompé en affirmant que la fonte blanche était la plus pure, alors que lui-même affirme que c'est la fonte grise qui est la plus pure. Pour cela, il insiste sur la notion ancienne de « purification par le feu » :

« Ce qui a induit naturellement M. de Réaumur en erreur, c'est qu'il a trouvé que tout fer fondu pouvait devenir fonte blanche ; &, comme il étoit dans des principes qui ne sont que trop généralement reçus, que plus on fait éprouver un grand degré de chaleur à un métal, plus on le raffine ; il a cru que la fonte blanche étoit le fer le plus pur… ».

Bien entendu, il n'était pas possible de prendre en compte l'importance du contact du produit fondu avec l'oxygène de l'air, qui fut découvert par Scheele et Priestley en 1773–1775 [8 (p. 109)].

La tentative de Jars était, en fait, de séparer les deux effets couplés de composition chimique de la fonte et de vitesse de solidification, aujourd'hui bien connus (§ 2). En l'absence de connaissance des microstructures des fontes, qui n'apparaissent réellement que dans la seconde moitié du XIXe siècle [7], il n'était pas possible de comprendre la relation entre les fontes blanches et grises. De même, en l'absence de connaissance de la composition de l'air et donc des réactions chimiques de la fonte avec l'oxygène, il n'était pas possible d'imaginer les transformations produites au cours d'une refusion au contact de l'air, capable de brûler du Si et du C, c'est-à-dire de pré-affiner la fonte.

3.5 L'expansion du phlogistique

Une complication importante se produit lorsque le phlogistique de Stahl (annexe 1) est introduit en France en 1723, juste après la publication de Réaumur de 1722 [8,9].

Nous allons exposer le problème, en nous restreignant à la métallurgie du fer, à partir d'articles de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751–1765) [5]. De nombreuses citations sont disponibles chez Eluerd [10 (pp. 65–67)].

Sous la plume de Diderot, dans l'article « Acier » de l'Encyclopédie, on trouve une description des produits ferreux utilisant le langage de Réaumur particulièrement les soufres et sels, sans mention du phlogistique. Par exemple, au sujet de l'acier naturel, préparé par affinage de la fonte, il écrit [5a] :

« Qu'est-ce que l'acier naturel ? c'est celui où l'art n'a eu d'autre part que de détruire par le feu l'excès des parties salines & sulphureuses, & autres dont le fer de fonte est trop plein. »1

En revanche, dans l'article « Fer » de la même Encyclopédie [5c], d'Holbach utilise la notion de phlogistique, qui a envahi le discours de la « chymie » depuis 20 ans :

« L'acier n'est autre chose qu'un fer très pur et dans lequel, par différents moyens, on a fait entrer le plus de phlogistique qu'il est possible. »

Il ajoute que pour :

« convertir le fer en acier, il n'est question que d'augmenter le phlogistique qu'il contient déjà, en lui joignant, dans des vaisseaux fermés, des substances qui contiennent beaucoup de matiere grasse ; telles que de la corne, des poils, & d'autres substances animales ou végétales, fort chargées du principe inflammable. »

Ici se situe une illustration frappante de l'ambiguïté introduite par le mot « fer » (§ 2) : on ne sait pas s'il s'agit de fer doux ou de fer de fonte. Par conséquent, on ne sait pas ce que décrit cette conversion de fer en acier. Est-ce qu'il est question :

  • − de cémentation de fer doux par des matières contenant du carbone, « corne, poils, etc. » à l'abri de l'air, ce qui semblerait évident à première vue ;
  • − ou de conversion/décarburation de la fonte par un apport de phlogistique, faisant référence à la définition du métal par M = MO + phlogistique, les matières grasses ne servant que de support au phlogistique ?

Dans l'article de d'Holbach, il est possible de lever l'ambiguïté, puisqu'il cite Réaumur pour préciser : « Le fer qui vient de la première fonte de la mine, s'appelle fer de gueuse » et que l'opération qu'il décrit ci-dessus s'effectue « dans des vaisseaux fermés ». On peut donc affirmer que d'Holbach parle de cémentation du fer doux, d'autant plus qu'il renvoie à l'article de Bouchu « Forges » [5] quand il s'agit de traiter de l'affinage de la fonte.

Parmi la multitude de problèmes de lecture, voici un autre exemple emprunté à d'Holbach qui traite d'une question ancienne de dissolution de fer dans la fonte :

« … on peut enlever à du fer son phlogistique, pour le faire passer dans d'autre fer. C'est ainsi qu'en trempant une barre de fer dans du fer de gueuse en fusion, la barre se change en acier » [5c].

Cette méthode fut décrite par Biringuccio au XVIe siècle [11].

Du point de vue de la métallurgie, on voit donc que la notion de phlogistique contient déjà en substance les futurs problèmes qui déboucheront sur l'incompréhension de la nature des fontes blanches ou grises, et de la situation indéfinie de l'acier par rapport au fer doux et aux fontes. En effet, le plus ou moins de phlogistique dans les fers/aciers/fontes ne classe pas les produits les uns par rapport aux autres, puisque l'apport de phlogistique peut correspondre dans notre langage actuel aux deux écritures chimiques suivantes :

  • (1) à partir de fer ductile : fer + phlogistique → acier
  • (2) à partir de « fer crud » : fonte + phlogistique → acier
avec la définition fer = fonte = [chaux martiale (oxyde de fer) + phlogistique].

Autrement dit :

  • (1) chaux martiale + phlogistique = fer ou fonte ;
  • (2) fer ou fonte + phlogistique = acier.

La signification des signes utilisés pour décrire les équations ci-dessus est la suivante :

  • − le signe = représente une définition (une identité) ;
  • − le signe → représente une transformation d'un état à un autre.

Dans la classification de Réaumur, réexposée par Diderot, les aciers, naturels et artificiels, étaient situés dans un état intermédiaire entre la fonte et le fer forgé ou fer doux. Ce résultat expérimental simple, malheureusement ignoré par les maîtres de forge de l'époque et jusqu'au XIXe siècle [12,13], va disparaître dans la complexité du phlogistique et de ses conséquences théoriques, contenues dans l'équation (2) ci-dessus.

3.6 Introduction de la plombagine

La plombagine est une substance mal définie, mais contenant beaucoup de « charbon » (cf. annexe 1).

Bergman, en 1781 [14], avait proposé une teneur en plombagine croissante dans la série fer/acier/fonte, avec une diminution concomitante de phlogistique et de « matière de chaleur ». Pour Bergman, phlogistique et matière de chaleur sont deux éléments différents. Ainsi, « l'acier doué d'une moindre dose de ces deux derniers éléments, l'est de beaucoup plus de plombagine. » On retrouve l'ordre de classement de Réaumur, à la différence près que soufres et sels sont remplacés par d'autres substances.

Bergman fait intervenir une substance de la famille du charbon dans la constitution des alliages de fer. En revanche, Grignon, dans la traduction de l'ouvrage de Bergman [14], ajoute un commentaire tranché : « … c'est l'augmentation du principe de chaleur qui […] convertit le fer en acier, sans emprunter la dose de phlogistique nécessaire à la ductilité. »

Grignon attribue au phlogistique la ductilité du métal selon l'équation (2) du paragraphe 3.5, c'est-à-dire : l'addition de phlogistique à la fonte améliore la qualité métallique du « fer ».

Guyton de Morveau, en 1786 [15 (p. 447)] se range dans le camp de la plombagine et fait déjà intervenir plus précisément le charbon dans la formation de l'acier et l'établissement des « caractères de la fonte » : « Si la fonte est un acier surchargé de plombagine, l'acier fondu avec la plombagine ou avec la poussière de charbon doit prendre les caractères de la fonte. »

4 Conséquences des premières analyses chimiques du fer sur la description de la fonte

L'analyse chimique quantitative fondée par Lavoisier va modifier les termes de la discussion amorcée ci-dessus, en éclairant de nombreux points et en ouvrant un nouveau monde expérimental. Cependant, un résultat particulier concernant l'analyse de la fonte va en obscurcir quelques autres.

4.1 Dissolution du fer et de la fonte dans un acide

Bergman (1735–1784) [14] avait constaté que la réaction du fer avec l'eau distillée dégageait de l'air inflammable (hydrogène), alors que le métal se transformait en éthiops martial (oxyde de fer). Comme la dissolution de la fonte produisait moins d'hydrogène, il en avait conclu que la fonte est un oxyde incomplètement réduit (cité par Berzelius [16]) et que « les métaux ne peuvent se dissoudre dans les acides qu'après avoir abandonné une partie de leur phlogistique », ce qui signifie se transformer en chaux (Annexe 1). D'après Bergman, les métaux doivent avoir “éprouvé un commencement de calcination, & être déjà combinés avec une portion d'air déphlogistiqué (oxygène), pour être solubles dans les acides” (cité par Vandermonde et al. [17 (p. 149)]). C'est Lavoisier qui va quantifier le résultat de Bergman.

4.2 L'oxygène dans la fonte (Lavoisier 1782)

L'utilisation de la balance dans l'analyse chimique s'impose avec Lavoisier, à partir de ses deux mémoires sur la composition de l'eau [18], qui simplifient et modifient profondément la compréhension de nombreux phénomènes chimiques. Cependant, les résultats de ses analyses de la fonte en 1782 vont perturber pendant quarante ans, particulièrement en France, l'évolution des connaissances en métallurgie du fer. En effet, en reproduisant les expériences de Bergman de dissolution du fer dans « l'acide vitriolique » (sulfurique), Lavoisier annonce une très forte proportion d'oxygène dans la fonte [19 (p. 553)] :

« … la fonte de fer est un mélange d'environ un huitième d'éthiops martial et de sept huitièmes de fer pur ; autrement dit, […] un quintal de fonte contient un peu plus de trois livres de principe oxygine. »

L'éthiops martial est un oxyde de fer. La quantité de 1/8 représente 12,5% d'oxyde et trois livres par quintal font 1,5% ou 3% d'oxygène, selon la valeur du quintal (qui pouvait valoir 50 ou 100 kg). C'est donc, une teneur énorme en oxygène. Ce constat, qui peut nous sembler étrange, résulte d'une interprétation erronée de la méthode d'analyse du métal par dissolution acide [19 (p. 553)]. En effet, Lavoisier explique que la quantité d'hydrogène dégagée par la dissolution du métal mesure la quantité d'oxygène qui s'est combiné avec le fer. Cette description est calquée sur celle de la décomposition de l'eau par le fer chauffé au rouge et de l'interprétation parfaitement juste qu'il en a donnée. En réalité, dans une solution aqueuse acide, la quantité d'hydrogène libérée est proportionnelle à la quantité de métal dissous, comme nous le savons grâce aux descriptions plus récentes de l'électrochimie, qui ne seront d'ailleurs disponibles qu'au cours du premier tiers du XIXe siècle, puisque les lois de Faraday datent de 1832. Une discussion détaillée est proposée dans l'annexe 2.

En fait, Lavoisier reprend à son compte en la précisant quantitativement, la description de la fonte comme un produit intermédiaire entre le minerai et le métal. Ce résultat, confirmant les conclusions de Bergman, va faire école jusqu'au début du XIXe siècle. Il sera généralement admis que la fonte contient une forte proportion d'oxygène et que c'est un oxyde incomplètement réduit lors de « la fonte de la mine ». Seul Guyton de Morveau [15 (pp. 420–451)] n'est pas de cet avis, mais il ne sera pas entendu ; il n'aura pas raison face aux « trois académiciens » : Vandermonde, Berthollet et Monge, voir plus bas.

4.3 Le blocage théorique jusqu'au premier quart du XIXe siècle

4.3.1 La tentative indépendante de Guyton de Morveau

Guyton de Morveau fut à l'origine de la création de la nomenclature chimique en 1787, avec Fourcroy, Berthollet et Lavoisier, sous le titre Méthode de nomenclature chimique.

En 1786, il publie l'article « Acier » dans le dictionnaire de chimie de l'Encyclopédie méthodique [15], dans lequel il compile les résultats d'une centaine d'expériences, qui l'amènent à conclure, comme Réaumur, que l'acier est dans un état intermédiaire entre la fonte et le fer.

En ce qui concerne les fontes, il montre expérimentalement que la solidification lente d'une fonte grise donne une fonte grise, alors qu'après refroidissement rapide sa cassure est « manifestement moins grise qu'auparavant » et que la solidification rapide d'une fonte blanche donne une fonte blanche, alors que la même fonte blanche solidifiée lentement présente « une nuance tournant au gris » [15 (p. 440)]. Ce dernier résultat de Guyton de Morveau, particulièrement important pour la discussion des transformations entre fontes blanches et grises, n'a pas été reconnu en son temps. Il faudra attendre le XIXe siècle pour que réapparaisse le fait qu'on peut transformer une fonte blanche en fonte grise par refusion et refroidissement lent.

Dans sa discussion, Guyton s'oppose à plusieurs avis publiés :

  • – contrairement à Réaumur, mais en accord avec Jars, il dit que le passage du gris au blanc pour une fonte n'est pas un affinage (Réaumur avait trouvé que la fonte blanche était la plus pure), mais, en opposition avec Jars (§ 3.4) et les trois académiciens (§ 4.3.2), il dit que la couleur blanche des fontes n'est pas une preuve d'impureté [15 (p. 439)] ;
  • – plus important [15 (pp. 446–450)], en opposition avec Lavoisier, il affirme que la fonte ne contient ni éthiops ni safran de mars (des oxydes de fer), mais qu'elle est surchargée de plombagine (annexe 1), espèce qu'il rapproche du charbon. Guyton de Morveau soutient ici l'avis de Bergman et il conclut que l'acier, « de quelque manière qu'il soit formé », est dans un état intermédiaire entre le fer ductile et la fonte. Il diffère du fer ductile par la présence de plombagine, ce qui le rapproche de la fonte. La fonte grise contient beaucoup de plombagine alors que la fonte blanche « recèle des parties terreuses non métallisées ou même étrangères qui peuvent être séparées par une seconde fusion tranquille en vaisseaux clos et sans addition ; […] le passage de la fonte à l'état d'acier se fait ainsi, dans tous les cas, par dépuration du fer et soustraction de l'excès de plombagine… »2

Cette dernière phrase de Guyton de Morveau réaffirme la séquence fonte–acier–fer de Réaumur, en remplaçant les « soufres et sels » par la « plombagine », comme l'a fait Bergman, et c'est la quantité de « parties terreuses » qui fait la différence entre la fonte blanche et la fonte grise. On retrouve l'avis de Jars, qui considérait la fonte blanche comme moins pure que la grise ; mais la différence entre Réaumur et Jars est que le premier parle de fontes pré-affinées par fusion, puis coulées minces, alors que le deuxième parle de fonte naturellement blanche, donc de composition vraisemblablement différente.

Le travail de synthèse de Guyton de Morveau va être balayé par la publication, exposée ci-dessous, des trois académiciens qui, se rangeant aux conclusions de Lavoisier, vont faire autorité pendant plusieurs dizaines d'années.

4.3.2 Combinaison du fer, de l'oxygène et de la matière charbonneuse

Le mémoire des « trois académiciens », Vandermonde, Berthollet, Monge, lu en 1786 devant l'Académie, fut publié en 1788 [17]. Dans ce mémoire, sont rapportés, d'une part, de nombreux résultats d'analyse chimique par attaque acide et, d'autre part, une synthèse de résultats antérieurs sur la relation entre le fer, l'acier et les fontes.

En ce qui concerne la nature de la fonte, les trois auteurs sont d'avis qu'il s'agit d'un fer en partie réduit et que la couleur blanche, grise ou noire est une conséquence des conditions d'élaboration du métal et, en particulier, du dosage en charbon dans le fourneau [17 (p. 134)]. Avec la même mine, on peut obtenir de la fonte blanche ou grise : la fonte grise contient du charbon, mais elle n'est pas complètement réduite [17 (pp. 179–182)], alors que la fonte blanche ne contient presque pas de charbon, et c'est par un affinage ultérieur qu'on la désoxydera. À titre d'exemple [17 (pp. 154–156)], dans le « fer coulé » (fonte) :

« … la réduction n'est pas complète ; il (le fer coulé) retient une portion de la base de l'air déphlogistiqué (c'est-à-dire l'oxygène) à laquelle il était uni dans la mine, sous la forme de chaux (c'est-à-dire d'oxyde) […] le charbon ayant la faculté de se combiner en substance & sans changer de nature, […] avec le fer […] la fonte absorbe dans le fourneau une quantité plus ou moins grande de ce combustible. »

On constate ici un maintien partiel de l'ancien langage : air déphlogistiqué et chaux, laquelle est clairement identifiée à un oxyde et, en même temps, on voit arriver la première annonce des résultats que l'on peut considérer comme les plus importants du mémoire : (1) le charbon se combine avec le fer ; (2) le charbon entre en dissolution dans le fer en se distribuant « uniformément dans l'intérieur de la masse » et (3) « cette dissolution varie avec la température » [17 (pp. 191–192)].

Cette conclusion sur le rôle du carbone dans la métallurgie du fer indique que le carbone entre en solution dans le métal ; ce point fondamental n'a pas été suffisamment mis en avant. Le résultat original des trois académiciens a été ultérieurement étouffé par des commentaires sur le fait qu'ils auraient structuré la séquence fer/acier/fonte, ce qui est inexact, comme on va le voir, alors que leurs idées fortes sur le rôle du carbone dans le fer, bien que novatrices, étaient passées sous silence.

En effet, contrairement à ce qui est très souvent affirmé, ce ne sont pas les trois académiciens qui ont démontré la filiation fer–acier–fonte. Leurs écrits sont parfaitement clairs [17 (p. 155)].

  • • L'acier et la fonte contiennent de la matière charbonneuse, mais la fonte est un métal mal réduit :

« Il y a […] cette grande différence entre la fonte et l'acier, que dans la fonte le métal est toujours mal réduit, tandis que dans l'acier il l'est toujours de manière complète ; & il y a cette analogie que dans l'une & l'autre substance métallique, le fer est combiné avec la matière charbonneuse. »

  • • L'acier est mieux réduit que la fonte, sa teneur en carbone est « sans relation fixe avec la fonte », intermédiaire entre celles des fontes blanche et grise :

« Ainsi pour ce qui regarde l'état de la réduction, l'acier de cémentation est au-delà du fer forgé, par rapport à la fonte ; & pour ce qui regarde la matière charbonneuse, l'acier n'a aucune relation fixe avec la fonte parce que la quantité de charbon [qu'il contient] […] est plus grande que celle qui se trouve dans la plupart des fontes blanches, & moindre que celle de certaines fontes grises. »

Et plus loin [17 (p. 177)] :

« … l'acier de cémentation […] n'est pas, comme on l'a cru jusqu'ici, un état du fer moyen entre la fonte & le fer affiné. »

Dans une publication ultérieure [20], Monge prend un point de vue parfaitement tranché sur la définition des fontes blanche et grise :

« … la fonte ou le fer coulé est l'oxide de fer, auquel le charbon mis dans le fourneau a enlevé une assez grande quantité d'oxigène pour qu'il ait repris l'éclat métallique. Mais il en conserve encore une portion qui le rend fusible et cassant. La fonte est blanche quand elle n'est composée que de fer et d'oxigène […] ; elle peut en outre contenir du charbon, et alors elle est plus ou moins grise, suivant la quantité de ce combustible qu'elle renferme… »

Ces affirmations répétées, fondées sur l'interprétation par Lavoisier de l'analyse chimique de la fonte, vont bloquer la compréhension des phénomènes d'affinage pendant plusieurs années et, malheureusement, l'important résultat des trois académiciens concernant la dissolution du carbone dans le fer ne sera, ni utile, ni utilisable, tant que le problème de l'oxygène dans la fonte n'aura pas été résolu. En revanche, la complexité introduite par le phlogistique a disparu ; le métal n'est plus une chaux chargée de phlogistique, et la chaux est devenue clairement un métal oxydé.

Cette conception ne fut pas uniquement « franco-française ». D'après Culmann [21 (p. xiii)], le mémoire des trois académiciens fut accompagné en Allemagne comme en France d'une approbation générale :

« Tous les hommes instruits applaudirent à cette nouvelle manière d'envisager le fer dans ses différentes modifications. Les sociétés savantes des pays étrangers proposèrent, pour sujet de prix, une explication satisfaisante de l'affinage de la fonte, d'après le travail de Vandermonde, Berthollet et Monge ; en un mot, leur opinion sur le fer, adoptée par tous les chimistes français et les métallurgistes allemands, était suivie sans aucune restriction. »

Mais Culmann ajoute : « Cependant, on ne peut nier que la théorie de l'affinage qui en a été déduite, ne se trouve en opposition avec les faits d'expériences les plus ordinaires et les plus importants… ».

En Angleterre, également, la description de la fonte comme un mélange de fer, de carbone et oxygène avait cours. Chez Pearson, dont l'étude sur l'acier Wootz en 1795 est particulièrement renommée [22 (p. 341)], on trouve : « Crude or raw iron consists of pure iron united, and mixed with other substances so as to be hard unmalleable iron : […] oxygen, carbon, and earth. » Il est à noter que Pearson décrit aussi la possibilité de « innumerable varieties […] of wrought iron […] Different quantities of carbon, which is here an impurity, are the occasion of these varieties… ». On voit ici une compréhension avancée du rôle du carbone dans les fers forgés et aussi [22 (p. 342)] dans les aciers.

4.3.3 Le tournant du XVIIIe au XIXe siècle

Une dizaine d'années plus tard, rien n'a changé en France et, au début du XIXe siècle, les vulgarisateurs et enseignants continuent à propager le même message.

  • • 1795, J.-A. Chaptal, chimiste de renom, [23] rapporte : « … la fonte est un mélange de fer, de carbone et d'oxygène ; les fontes sont blanches, grises ou noires selon les proportions de l'oxygène et du carbone… ».
  • • 1803, C.L. Cadet [24] écrit : « L'aspect de la fonte trompe souvent sur sa nature, car si l'on réduit la fonte grise en plaques, et qu'on lui fasse subir un refroidissement prompt, elle prend l'apparence de la fonte blanche. »
  • • 1804 (an XII), Rambourg, maître des forges de Tronçais, publie des descriptions très précises de procédés et d'outils des forges de Styrie (fourneaux, affineries, forge…) [25]. Son interprétation des procédés l'amène à affirmer qu'on ajoute du carbone à la fonte pour obtenir de l'acier :

« L'acier est une combinaison du fer pur avec le carbone et les mines de fer spathique donnent une fonte qui renferme le fer un peu oxydé, combiné avec une certaine quantité de carbone. Pour obtenir l'acier, on a donc été obligé de suivre des procédés qui ajoutent à la fonte une nouvelle dose de carbone et qui rendent plus intime la combinaison des deux principes ; et pour obtenir du fer, il faudra employer des procédés qui enlèvent à la fonte le carbone qui lui était combiné. »

  • • 1812, Hassenfratz [26] : « Les fontes […] diffèrent considérablement les unes des autres par la proportion d'oxigène et de carbone qui sont combinées avec elles ; nous avons vu qu'elles contiennent toutes de l'oxygène, et que quelques-unes ont aussi du carbone. »

5 Clarification de la question : carbone et/ou oxygène ?

Cette clarification fut effectuée d'un point de vue chimique par Berzelius et, d'un point de vue métallurgique, par Karsten, au début du XIXe siècle.

5.1 L'absence d'oxygène dans la fonte

Dès les premières années du XIXe siècle, Berzelius (1779–1848) s'oppose à la triple combinaison fer–oxygène–carbone dans la fonte. Il rappelle que Bergman, à partir d'analyses chimiques avait conclu [16 (p.62–63)] que :

« … la fonte était un oxide de fer non complètement réduit et qui en outre, en raison du graphite qui s'y trouve et qui reste insoluble, contient du carbone. On a conclu plus tard des essais de Bergman que la fonte de fer est une triple combinaison de fer, d'oxigène et de carbone. »

Il insiste :

« … quoique antérieurement des chimistes aient cherché à prouver qu'une telle composition était impossible à la température où le fer se forme, cette opinion a cependant été adoptée. »

On peut remarquer que le nom de Lavoisier n'est pas cité, ni ceux des trois académiciens, pas plus que ceux des chimistes qui « antérieurement auraient… ».

Berzelius rapporte ensuite :

« J'ai analysé avec soin une fonte de fer provenant de minerais contenant du manganèse et je l'ai trouvée composée de 91,53 parties de fer, 4,57 parties de manganèse et 3,9 parties de carbone. Il n'y eut donc aucun résidu qui pût être considéré comme de l'oxigène. »

On peut penser qu'une telle fonte contenant une forte proportion de manganèse avait toutes les chances d'être blanche.

5.2 La classification moderne fer/acier/fonte blanche/fonte grise

Dès 1816, Karsten, un scientifique, directeur d'usine en Silésie, va beaucoup plus loin du point de vue métallurgique [27 (p. 110)]. Il définit deux familles de produits, en fonction du type de combinaison du fer et du carbone :

« … la fonte blanche, l'acier et le fer ductile ne contenant que du carbone dont la dose suit une loi décroissante, se trouvent rangés dans une même classe ; tandis que la fonte grise composée de fer et de graphite, offre une combinaison de nature différente. »

Auparavant [27 (p. 37)], il a pris la peine de définir un point essentiel : « Le mot fer signifiera du fer forgé le plus pur », c'est-à-dire l'état idéal, que nous notons Fe dans la chimie actuelle.

La conséquence de cette description est que :

« la fonte blanche, l'acier et le fer ne différant entre eux que par la quantité de carbone qu'ils contiennent, il ne s'agit que d'en brûler une certaine partie pour changer cette fonte en acier ou en fer ductile » [27 (p. 199)].

Ce que nous appelons « carbone en solution solide dans le fer » apparaît sous la forme : « combinaison avec toute la masse de fer », en parallèle avec la notion de « sans proportions définies » [28].

En ce qui concerne les descriptions « oxygénistes » de la fonte, voici ce qu'écrit Karsten [27 (p. 453)] :

« Il s'est écoulé à peine 40 ans depuis que Scheele, Bergmann et Rinman nous ont donné, par leur analyse, les premiers renseignements sur la nature de la fonte, du fer et de l'acier. Les résultats qu'ils annoncèrent furent pleinement confirmés par les expériences des chimistes français, anglais et allemands. La présence d'oxygène qu'on a supposée plus tard dans la fonte blanche, devait compléter la théorie des savants suédois ; mais cette hypothèse, établie sur des raisons très faibles, a été reconnue bientôt comme erronée. »

Remarque : Le traducteur de Karsten (F.J. Culmann, 1824), ayant parfaitement compris la force de la nouvelle description, expose magistralement le problème de l'affinage des fontes blanche et grise, dans une longue introduction où il s'excuse de mettre en cause ses grands aînés, qu'il appelle « les trois académiciens » [21]. Ce traducteur, qui se présente comme « capitaine d'artillerie attaché aux forges de la Moselle », mérite d'être salué pour le plaisir qu'il donne à sa lecture et pour la pertinence de son propos.

6 Les conservateurs irréductibles

Ces démonstrations ne furent pas suffisantes pour convaincre tout le monde. Par exemple, E. Pelouze [29], qui se donne avec une bizarre humilité le titre de « employé dans les forges et fonderies », décide en 1827 de choisir les anciennes idées, en opposition avec la description de Karsten. Dans son ouvrage, L'art du maître de forges, dont l'objectif est l'exposé de problèmes pratiques, il annonce ne pas être intéressé par les « descriptions théoriques », dont il déplore qu'elles soient bien développées en France, alors que l'application industrielle est défaillante. Dans une longue note [29 (p. 10)], il rappelle les anciennes théories, puis celle de Karsten, et fait le choix des anciennes descriptions de la fonte contenant de l'oxygène, c'est-à-dire : la fonte blanche contient beaucoup d'oxygène et peu de carbone, au contraire de la grise, qui comporte beaucoup de carbone et moins d'oxygène. Pelouze conclut cette prise de position par :

« Je me défends de tout système et je me hâte de quitter le champs des dissertations pour passer sur celui des procédés d'exploitation sanctionnés par des succès avérés. »

On peut se demander si cette affirmation, faite en 1827, opposée à toute tentative d'évolution dans la compréhension théorique, ne fut pas avant tout une réaction de « fierté nationale » à l'encontre du Prussien Karsten.

Pour insister sur l'aspect suicidaire de la position de Pelouze, il est bon de rappeler qu'au début du XIXe siècle, à la suite du brevet de Cort de 1784, la technique de puddlage, ou « affinage à l'anglaise », avait permis d'augmenter très fortement la production de fer et d'acier en Angleterre. Cette méthode ne sera introduite en France, à l'échelle industrielle, qu'en 1820 à Saint-Chamond, par de Gallois, professeur à l'École des mines de Saint-Étienne [30].

Du point de vue économique, il est intéressant de comparer les productions de fer en France [30] et en Grande-Bretagne [31] vers la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle :

  • • en 1819, la production française est de 80 000 t (au charbon de bois), alors qu'en Angleterre en 1796, c'est-à-dire 20 ans plus tôt, elle était déjà de 131 000 t, dont 95% au coke (puddlage) ;
  • • en 1836, elle atteint 650 000 t au Royaume-Uni, contre 200 000 t en France, c'est-à-dire trois fois plus [32].

Il est clair que la croyance en une forte teneur en oxygène dans la fonte n'avait aucune chance d'aider (sic) au pilotage d'une opération de puddlage. En effet, la description qui en découle pour l'affinage de la fonte, selon laquelle il fallait extraire l'oxygène de la fonte sans enlever tout le carbone et cela, en mettant le métal en contact avec le charbon, était totalement aberrante, alors que le puddlage fonctionnait efficacement dans des fours « à réverbère » où la chambre de combustion du charbon n'était pas au contact du métal fondu.

Autrement dit, puisque l'opération de puddlage fonctionnait, alors que le discours scientifique officiel en France semblait démontrer que c'était impossible, la conclusion ou question la plus rassurante ou inquiétante serait que les opérateurs de terrain n'étaient pas au courant des considérations des scientifiques, et réciproquement.

7 Conclusions

Le XVIIIe siècle a vécu une transformation majeure de la démarche scientifique, du fait de l'apparition du langage chimique rationnel. La notion complexe de phlogistique a disparu du monde de la chimie grâce à Lavoisier, et ce fut une simplification énorme, que nous avons du mal à imaginer.

Dans la chimie du fer, la plombagine a représenté différents états du charbon et/ou du fer, avant que l'on arrive à découvrir que ce pouvait être du graphite ou de la cémentite (carbure de fer Fe3C), ou même du carbone en solution solide dans le fer. Alors que Berzelius, au début du XIXe siècle [16 (pp. 10 & 53–55)] considérait que les combinaisons entre le fer et le carbone se faisaient dans des proportions définies, Karsten écrivait clairement que le carbone dans le fer se trouve dans trois états différents [27 (p. 476)] : mélangé à l'état de graphite ou combiné avec toute la masse, ou enfin combiné en proportions définies avec une partie du fer et formant un carbure qui se retrouve dissous (nous dirions « dispersé ») dans le reste du métal.

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les trois académiciens, Vandermonde, Berthollet et Monge, n'ont pas correctement décrit la séquence fer–acier–fonte. Il suffit de relire Culmann [21 (p. x)] qui, en 1824, écrivait avec beaucoup de révérence : « … quel que soit le mérite de ces hommes célèbres, […] nous ne devons pas oublier […] qu'ils ont pu commettre des erreurs, et que de vouloir les perpétuer, ce serait rendre à ces amis de la vérité un culte injurieux et idolâtre. » Ils se sont trouvés en opposition avec la classification de Réaumur, qui s'est ultérieurement révélée la plus pertinente, malgré son langage obsolète. Il a manqué à Réaumur les connaissances chimiques qui se sont mises en place cinquante ans plus tard, et qui ont donné une signification objective à ce qu'il appelait les « soufres et sels ».

En revanche, les trois académiciens ont mis en lumière une notion extrêmement importante concernant le rôle du carbone dans le fer. Leur première tentative d'explication sur la dissolution du carbone dans le fer a dû hérisser leurs contemporains et, vingt ans plus tard, irriter les tenants de la chimie des proportions définies, tels Berzelius, qui les ignore superbement (cf. plus haut). Il a fallu attendre le premier quart du XIXe siècle pour qu'une notion proche de celle de solution solide du carbone dans le fer voie le jour. Cependant, il faudra encore 3/4 de siècle pour que soit publiée, en 1899, la première esquisse du diagramme de phase fer–carbone, outil révolutionnaire pour la maîtrise de la métallurgie du fer, sur lequel des générations d'étudiants se sont penchées sans joie au XXe siècle, sans percevoir la somme de génie scientifique qui s'y trouvait condensée. N. Chézeau [7 (pp. 133–175)] a parfaitement décrit le contexte de cette importante découverte.

La « fonte à l'oxygène » n'a pas existé. Il est évident aujourd'hui que la présence simultanée de carbone et d'oxygène en fortes concentrations dans le fer n'a aucun sens, ni du point de vue des constatations expérimentales, ni de celui de la science thermochimique qui, depuis le XIXe siècle, aide à structurer le domaine de l'élaboration métallurgique. C'est l'interprétation erronée de l'analyse du fer par attaque acide qui fut à l'origine de l'affirmation par Bergman puis Lavoisier de la présence d'une forte teneur en oxygène dans la fonte. Il a fallu attendre le XIXe siècle pour démontrer que ce résultat était faux et par conséquent que les dissertations multiples sur l'affinage de la fonte en fer ou acier, en éliminant l'oxygène sans enlever le carbone, étaient totalement aberrantes. Fort heureusement, les ateliers d'affinage continuaient à fonctionner en France malgré ces divagations théoriques, mais les nouvelles techniques telles que l'affinage à l'anglaise (puddlage) allaient attendre encore plusieurs années avant de trouver grâce auprès des maîtres de forges français.

Pour replacer ces problèmes dans le contexte de la transformation du langage et donc des concepts, à l'avènement de la chimie de Lavoisier, il faut rappeler que l'éthiops martial (oxyde de fer) était compris, depuis les alchimistes, comme un des états du fer, de même que la fonte ou l'acier. Ceci se manifeste clairement dans la définition du métal, considéré comme « une chaux plus du phlogistique » (annexe 1). Réaumur considérait la fonte comme intermédiaire entre le minerai et le métal du point de vue des « soufres & des sels » et Bergman écrivait que c'était un oxyde incomplètement réduit. Même si ces deux points de vue étaient différents, la question de l'oxygène dans la fonte n'a pas étonné les principaux scientifiques jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, tant que le triple rôle du « charbon » ne fut pas compris. En revanche, lorsqu'en plus de son rôle initial de combustible destiné à élever la température (c'est-à-dire de « purification par le feu »), le charbon fut reconnu comme un réactif participant à la réduction du minerai, et qu'ensuite le carbone du charbon devint un élément d'alliage susceptible d'entrer en solution dans le fer et de former des carbures, la révolution industrielle du XIXe siècle a pu se mettre en marche.

Annexe 1 Termes de “chymie” du XVIIIe siècle

Quelques termes généraux, devenus obscurs aujourd'hui, sont examinés ici, avec un objectif limité, celui de l'application à la seule métallurgie.

Terres/matières terreuses. Les quatre éléments d'Empédocle (feu, air, eau et terre) sont à la base du discours de Becher et Stahl au XVIIe siècle et au début du XVIIIe. Ces auteurs ne gardent que trois éléments : la terre, l'eau et l'air, mais nomment trois espèces de terres : vitrifiable, sulfureuse (ou inflammable) et mercurielle. La notion de phlogistique traitée ci-dessous est attachée à la « terre sulfureuse ».

De façon générale, une terre n'est pas un composé chimique au sens actuel, c'est plutôt « une faculté de… », c'est-à-dire un « principe ». Une notion de matière solide y est associée, mais il faut se méfier d'une telle simplification. Selon Diderot [5b] :

« C'est un corps solide qui sert de base à tous les autres corps de la nature. En effet, toutes les expériences & analyses de la chymie, lorsqu'elles sont poussées jusqu'où elles peuvent aller, nous donnent une terre… » ; plus loin : « […] les pierres, les métaux ne sont que des composés de terres. Mais vainement cherche-t-on dans la nature une terre pure… » (i.e. : l'élément pur « terre »).

Exemple : la terre martiale est celle qui se rapporte au fer (mars). Le fer est composé de deux principes : « une terre propre à ce métal et du phlogistique » [5c], et on écrit :

Fer = terre martiale + phlogistique.

Il s'agit d'une définition, pas d'une réaction chimique. De même, le charbon est la combinaison d'une terre et du principe inflammable (phlogistique).3

Phlogistique. Stahl a donné le nom de phlogistique à la terre sulfureuse ou « principe inflammable ». On trouve aussi l'expression : le phlogistique est le soufre des métaux [5d]. Le phlogistique est la pure matière du feu, dont les propriétés sont indépendantes des différentes matières où il est engagé. Lorsqu'on chauffe un métal (dans l'air), il perd son phlogistique et il reste sa chaux (oxyde). Il s'ensuit que pour donner de la ductilité au métal, il faut apporter du phlogistique à sa chaux. Dans le supplément Panckoucke de l'Encyclopédie [5e], on peut lire :

« Ce fluide est aux métaux & à tous les corps, dont il est le dissolvant propre, ce que tout autre dissolvant composé est aux substances qu'il attaque, ce que le mercure est à l'or dans l'amalgame, ce que l'eau est aux sels. On leur ôte ce principe par la calcination. On leur rend la forme métallique en les redissolvant par le feu. »

Un aspect majeur de la discussion fut de savoir si le phlogistique était effectivement la pure matière du feu ou un « principe secondaire composé de l'élément du feu & d'une terre vitrifiable » [5d]. Autrement dit, était-il possible que la matière du feu existe sans support matériel, par exemple celui d'une terre sulfureuse ? Nous ne sommes pas loin de la notion d'énergie interne de la thermodynamique chimique encore à naître, dans la deuxième moitié du XIXe siècle [33]. En effet : « Le phlogistique ou feu fixe entre nécessairement comme partie constituante dans tous les corps composés » [5e]. La question qui va être fatale au phlogistique fut de décider s'il est ou non pesant. Quand Lavoisier renverse cette théorie pour la remplacer par celle de la combustion, il remplace la définition de la nature du métal :

métal = chaux (MO) + phlogistique,

par une réaction chimique :

métal + air déphlogistiqué (oxygène)  →  chaux (oxyde MO).

La première écriture a comme défaut de donner une masse négative au phlogistique, alors que la deuxième, faisant intervenir l'oxygène de l'air, peut s'équilibrer sur une balance, ce qui était la nouvelle méthode de travail de Lavoisier. Il ne manque plus dans cette deuxième écriture que la chaleur de réaction, qui fait implicitement partie du phlogistique.

Pour aider à manipuler la notion de phlogistique dans le seul domaine des réactions métallurgiques, on pourrait proposer de la décrire avec notre langage chimique, comme un « principe réducteur » (par exemple : FeO + réducteur → Fe). Dans le terme « réducteur » seraient incluses à la fois la notion de chaleur (de réaction) et la présence, par exemple, de carbone, traduisant le fait que le charbon est à la fois un combustible, qui va permettre d'augmenter la température du fourneau, et un élément chimique, source réductrice des oxydes (minerais). Cette proposition, sans objectif interprétatif, est uniquement avancée pour aider à déminer des phrases incompréhensibles.

L. Troost [34 (p. 53)] et L. Pauling [35] donnent dans le domaine de la chimie des exemples intéressants et compréhensibles illustrant cette notion bizarre.

Calcination/chaux. La calcination [5f] est initialement un chauffage à l'air libre, mais, avant Lavoisier, la chaux, produit d'une calcination, n'était pas connue comme étant un oxyde.

Exemples :

  • – la décomposition du calcaire (carbonate de calcium) en chaux vive (CaO) avec libération du gaz carbonique ;
  • – le grillage d'un minerai, une calcination qui va évacuer des substances volatiles, par exemple le grillage d'un sulfure pour former la chaux correspondante.

Par extension, chez Lavoisier, la calcination d'un métal va produire une chaux, c'est-à-dire l'oxyde correspondant : « le fer calciné dans l'air ordinaire ou dans l'air vital (oxygène) est dans l'état d'éthiops martial » [19 (p. 542)]. La chaux martiale, selon Lavoisier, est assimilée à la rouille obtenue par réaction du fer avec l'air et même l'eau. Il y a donc un glissement de sens, depuis « chaux = résultat de la calcination », vers la notion de composé oxyde. Exemple : le safran de mars est une chaux obtenue en exposant le fer à la flamme [5c].

Soufres. Les soufres sont des corps très inflammables comme le charbon, le soufre commun, les graisses, etc. L'arsenic en fait partie [5g].

Sels. « Tous les sels tant acides qu'alcalins, tant fluides que solides, ne sont que des terres combinées avec de l'eau […] On comprend sous le nom de sel trois espèces de substances ; les acides, les alkalis, & les sels neutres… les sels sont des corps solubles dans l'eau, incombustibles par eux-mêmes, & savoureux… » [5h]. Réaumur a utilisé cette notion dans la classification des produits ferreux (Tableau 1), mais cette définition de Diderot n'éclaire pas celle de Réaumur.

Plombagine. Ce peut être, selon les auteurs, du graphite ou un « carbure de fer » [16 (pp. 53–55)]. La notion de carbure n'est pas celle de composé défini de type Fe3C, que nous utilisons aujourd'hui. Chez Troost [34 (p. 588)], on trouve encore en 1884 : « Les fontes sont des carbures de fer, elles sont formées d'environ 95% de fer et 5% de carbone… ». Il s'agit donc de « fer carburé ». Chez certains auteurs, la plombagine est un fer saturé en carbone et, chez d'autres, de charbon contenant plusieurs pour cent de fer. Un point sur lequel il y a accord : on extrait la plombagine de certaines mines en Angleterre, dont on fait des « mines de crayon » appelées « mines de plomb » pour le dessin, d'où le nom de plombagine. Dans ce cas, il s'agit de graphite. Il n'y a pas de plomb dans la plombagine, contrairement aux origines du mot que l'on trouve chez Pline : plumbago, pour désigner la « mine de plomb » [36]. Il semblerait que ce soit Bergman [14] qui ait introduit la notion de plombagine dans la métallurgie du fer. Dans l'Encyclopédie [5], l'article « plombagine » renvoie à « crayon » ou à « mine de plomb ».

Constituants de l'air : air déphlogistiqué ou air vital : oxygène ; air inflammable : hydrogène ; air fixe : gaz carbonique (CO2) ; mofette : azote.

Annexe 2 Analyse des fontes par dissolution dans un acide

Principe de l'analyse du fer par dissolution acide

La méthode utilisée par Lavoisier consiste en une dissolution du fer dans un acide dilué (surtout l'acide sulfurique) et la mesure de la quantité d'hydrogène dégagé.

On écrit aujourd'hui : Fe + H2SO4 → FeSO4 + H2(réaction 1)

On voit ici que la quantité de H2 dégagée est proportionnelle à la quantité de fer dissous.

Interprétation

Lavoisier a fondé son raisonnement sur ses expériences antérieures de la décomposition de l'eau en hydrogène (appelé : air inflammable) et oxygène (appelé : air vital ou air pur, ou air déphlogistiqué). Il s'agissait d'une réaction entre le fer d'un canon de fusil porté au rouge et de l'eau introduite à l'intérieur de ce tube. Cette très belle expérience a montré que le fer chauffé au rouge décompose l'eau en fixant l'oxygène pour former un oxyde. Le fer devient de l'éthiops martial (oxyde de fer de type Fe3O4), et il se produit un dégagement d'hydrogène. Ceci est appelé une calcination (oxydation) humide [19 (p. 543)].

On écrit aujourd'hui : 3Fe + 4H2O → Fe3O4 + 4H2(réaction 2)

C'est par là que Lavoisier pense montrer que la quantité de H2 dégagé constitue une mesure de la quantité d'oxygène de l'eau fixée par le fer, c'est-à-dire de la quantité de fer oxydé.

Lavoisier constate ensuite (i) qu'à température ambiante, l'eau est décomposée par le fer finement divisé, (ii) que la réaction est très lente et que (iii) l'addition d'acide dans l'eau accélère la dissolution du fer. Ce nouveau type de calcination, c'est-à-dire d'oxydation, est interprété de la même façon que la calcination à haute température du canon de fusil selon la réaction (2), et Lavoisier en conclut [19 (pp. 548–549)] que : « Les substances métalliques… ne se dissolvent dans les acides qu'après avoir été calcinées », ce qui avait été annoncé par Bergman (§ 4.1), et il affirme : « le principe oxigène est le principe de l'acide. » En grec, оξυς signifie : pointu, piquant, acide. C'est seulement au XIXe siècle que l'on montrera que l'hydrogène et, plus précisément, l'ion H+, représente le principe acide, et non pas l'oxygène. On trouve le même problème en allemand avec sauerstoff, qui est le nom donné à l'oxygène.

Le mécanisme proposé ci-dessus est ce que nous pourrions appeler aujourd'hui : « formation transitoire d'un état oxydé immédiatement dissous par l'acide ». Cette idée n'était pas éloignée de la notion généralisée d'oxydation, au sens de l'électrochimie actuelle, mais pour Lavoisier, l'obligation de passage par un état de calcination même transitoire, impliquait la formation de l'éthiops (oxyde), et il affirme logiquement que la quantité d'hydrogène dégagé lors de la dissolution du fer mesure la quantité d'oxygène de l'eau qui s'est combiné avec le métal (réaction 2) et non pas la quantité de métal dissous (réaction 1).

Par conséquent, si la quantité d'hydrogène dégagé par la dissolution de la fonte est plus faible que la quantité dégagée par la dissolution d'un fer doux, cela veut dire que la fonte contient plus d'oxygène que le fer doux où il ne se trouve qu'à l'état de traces. C'est ainsi que Lavoisier trouve que la fonte donne 1/8 de moins d'hydrogène que le fer forgé et il en conclut donc, que la fonte contient 1/8 d'éthiops pour 7/8 de fer [19 (p. 553)] : « … le fer de fonte a besoin d'une moindre quantité de principe oxygine pour être saturé, que le fer forgé ; il est donc très probable que le premier [fer de fonte] en contient déjà, en sorte qu'il y a toute apparence que la fonte de fer est un mélange d'environ un huitième d'éthiops martial et de sept huitièmes de fer pur ; autrement dit, qu'un quintal de fonte contient un peu plus de trois livres de principe oxygine. »

Discussion

Cette méthode de dissolution dans l'acide sulfurique dilué mesure non pas la teneur en carbone de l'alliage, mais la quantité de fer dans le produit, méthode comparable à la détermination du nombre de carats de l'or. Si la quantité d'hydrogène est inférieure à la valeur attendue, l'écart peut avoir différentes causes.

  • (1) Le fer contient des éléments non solubles dans l'acide sulfurique. Cela peut être dû au carbone ou à des inclusions de silicates ou autres oxydes (phosphates) ou des résidus de laitier emprisonnés dans le métal. Par ailleurs, il se forme des résidus noirs flottant à la surface de la solution acide, qui n'entrent donc pas dans le bilan. Bergman cité par Vandermonde et al. [17 (pp. 169–171 et 193)] a analysé « le résidu noir qui se trouve au fond des dissolutions de la fonte grise et des aciers » et montré qu'il s'agissait de plombagine, c'est-à-dire du « charbon combiné avec du fer ».
  • (2) Une partie de l'hydrogène s'est combinée avec « autre chose ». Berzelius explique [16 (pp. 21 et 63–65)] : « quand on a dissous du fer dans de l'acide sulfurique affaibli, il reste une masse charbonneuse qui, placée sur le filtre, ressemble à de la graisse et qui contient une portion de cette huile puante et volatile », laquelle est une « combinaison du carbone de la fonte avec une proportion déterminée de l'hydrogène et de l'oxygène de l'eau. »

Ainsi : « L'hydrogène est réduit à n'occuper que la moitié du volume qu'il devrait occuper à l'état de gaz hydrogène pur. »

C'est cette réaction de l'hydrogène qui est l'effet parasite essentiel ayant conduit Lavoisier à des conclusions erronées.

Suites

La dissolution dans les acides n'étant pas adaptée au dosage du carbone, Berzelius propose d'autres méthodes [16 (pp. 67–70)] : par exemple, l'oxydation du métal par chauffage avec un mélange de salpêtre (KNO3), pour produire du CO2, recueilli dans de l'eau de chaux. C'est une méthode directe de dosage du carbone (4%) et non pas de la quantité de fer (96%), contrairement à la dissolution dans un acide, qui donne le carbone par différence de deux grands nombres (100% – 96%). Une autre méthode proposée par Berzelius [37] est fondée sur la dissolution du fer dans le chlorure de cuivre, avec « filtration sur l'asbeste », combustion par l'oxygène du carbone retenu et fixation de l'acide carbonique (CO2) par la potasse (KOH). Une combustion directe par l'oxygène fut aussi proposée par Berzelius, avec absorption du CO2 par la potasse [38]. La méthode de combustion du fer à haute température est la technique utilisée actuellement pour le dosage du carbone et la détermination de la quantité de CO2 produite se fait par une méthode spectroscopique dans l'infrarouge.

Vauquelin [39] avait également constaté que l'hydrogène dégagé au cours de l'attaque par l'acide sulfurique dissolvait une partie du carbone. Il écrit, en « oubliant » Lavoisier, exécuté trois ans plus tôt : « C'est à Bergmann que sont dus les premiers moyens d'analyser les fers et les aciers, moyens auxquels on a peu ajouté depuis ; mais ces moyens sont inexacts », et il propose une méthode sans dégagement de gaz hydrogène, par dissolution dans l'acide sulfureux.

Remarques

Lavoisier ayant, en 1777, renversé la théorie du phlogistique au profit de celle de la combustion [40], il a eu tendance à faire intervenir l'oxygène un peu partout. Par exemple [19 (pp. 557–558)] : « … un des principaux effets de la trempe est de mettre les couches extérieures de l'acier dans un état mitoyen entre celui de métal doux et celui d'éthiops martial ; cet effet se fait sentir jusqu'à une certaine épaisseur et c'est sans doute un des effets du recuit de faire pénétrer l'éthiops jusqu'au centre… ».

Lavoisier fait aussi la relation entre la trempe et la fragilité du métal, mais s'il est vrai que le chauffage suivi d'une trempe à l'eau produit de l'oxyde à la surface du fer sur une épaisseur d'une fraction de millimètre, c'est en réalité la décarburation plus forte à la peau qu'à cœur qui est responsable des variations de durcissement, et la décarburation superficielle est d'autant plus forte que l'atmosphère est plus oxydante. C'est la transformation martensitique, dont on ne parlera pas avant un siècle, qui est la cause du durcissement et de la fragilité après trempe, pas la formation d'éthiops.

Il est tentant de faire un rapprochement entre cette interprétation de la trempe par Lavoisier et celle de la transformation de la fonte grise en fonte blanche par refroidissement rapide, qui elle aussi fait augmenter la dureté et la fragilité du métal, et de son incidence sur la notion de pureté relative des fontes grises et blanches, c'est-à-dire de leurs teneurs supposées en oxygène. Guyton de Morveau a, en 1786, discuté ces affirmations de Lavoisier (de 1782), dans son chapitre « De la trempe et du recuit de l'acier » [15 (pp. 438–439)].

1 L'acier artificiel est celui préparé par cémentation du fer doux.

2 Au sujet des « soufres » et de la « plombagine », voir l'annexe 1.

3 NB : dans le langage chimique actuel, on parle encore de métaux alcalino-terreux (magnésium, calcium…) et de terres rares (pour « métaux des terres rares »), par exemple le cérium ou « pierre à briquet ».


Bibliographie

[1] R.A. Ferchault de Réaumur L'art de convertir le fer forgé en acier et l'art d'adoucir le fer fondu, Michel Brunet, Paris, 1722

[2] M. Durand-Charre La microstructure des aciers et des fontes, SIRPE, Paris, 2003

[3] J. Barralis; G. Maeder Précis de Métallurgie, Afnor, Nathan, Paris, 2002

[4] J. Le Coze C. R. Chim, 10 (2007), pp. 850-855

[5] « Sels ».

[6] G.J. Jars, Voyages métallurgiques. Premier mémoire : Dissertation sur le fer et l'acier. Tome I, rédigé en 1769, publié à Lyon, en 1774, chez Gabriel Regnault, libraire, rue Mercière. L'éditeur de l'ouvrage est Gabriel Jars, son frère.

[7] N. Chezeau De la forge au laboratoire, Presses Universitaires de Rennes, 2004

[8] B. Bensaude-Vincent; I. Stengers Histoire de la chimie, La Découverte, Paris, 1993 (p. 82)

[9] J. Brossolet, Encyclopaedia Universalis, article « Sénac ». Il s'agit du Nouveau cours de chymie, suivant les Principes de Newton et de Stahl, ouvrage attribué, soit à J.-B. Sénac, soit à un recueil de notes des conférences de C.-J. Geoffroy et G.-F. Boulduc.

[10] R. Eluerd Les mots du fer et des Lumières, Honoré Champion, Paris, 1993

[11] V. Biringuccio De la Pirotechnia, Venise, 1540 (trad. : J. Vincent, Paris, 1556)

[12] F.P. Gillet de Laumont Bull. Soc. Enc. Ind. Nat., 8 (1809), pp. 279-288 (p. 286, note 2)

[13] L. Héricart de Thury Bull. Soc. Enc. Ind. Nat., 20 (1821), pp. 351-385

[14] T.O. Bergman, Dissertatio chemica de analysi Ferri (Upsala, 1781). Traduction partielle : « Analyse du fer », par P.C. Grignon (Méquignon, Paris, 1783), cité par Eluerd [10], p. 67 et p. 405.

[15] L.B. Guyton de Morveau «Acier», Encyclopédie méthodique, Dictionnaire de chymie, 166 vols., Panckoucke, Paris, 1786 (pp. 420–451)

[16] J.J. Berzelius Lärbok i Kemien, Stockholm (1808–1812–1818), Traduction française partielle par le chevalier Hervé : Chimie du Fer, Levrault, Paris, 1826

[17] A. Vandermonde; C.L. Berthollet; G. Monge Mem. Acad. R. Sci. Paris (1788), pp. 132-200

[18] A.L. Lavoisier; M. Meusnier; A.-L. Lavoisier Acad. Sci. Paris (1781), pp. 269-282

[19] A.L. Lavoisier Mem. Acad. R. Sci. Paris (1782), pp. 541-559 (présenté le 20 décembre 1783 ; p. 553)

[20] G. Monge, Description de l'art de fabriquer des canons, Imprimerie du Comité de salut public, Paris, an II/1793–1794, p. 20.

[21] J.F. Culman, in Karsten [27], Métallurgie du fer, chapitre préliminaire : « Observations du traducteur sur la théorie actuelle », pp. IX–XVIII.

[22] G. Pearson Philos. Trans. R. Soc. A, 85 (1795), pp. 322-346

[23] J.A. Chaptal, Elémens de chymie, 2e édition, tome second, Deterville, Paris, an III, 1795, p. 323.

[24] C.L. Cadet de Gassicourt, Article « Acier » de son Dictionnaire de chimie, contenant la théorie et la pratique de cette science, son application à l'histoire naturelle et aux arts, Chaigneau Aîné, Paris, an XI, 1803, p. 123.

[25] N. Rambourg, Sur la fabrication du fer et de l'acier dans les forges de la Styrie, J. Mines, Paris, no 15 (an XII–1804, pp. 271–285, pp. 380–396 et pp. 436–445).

[26] J.H. Hassenfratz La sidérotechnie, Cours à l'École polytechnique et à l'École des mines, Paris, 1812 (3e partie, §1068, p. 45)

[27] C.J.B. Karsten, Handbuch der Eisenhuttenkunde, Halle, 1816, & Berlin, 1827 & 1841 (Manuel de la métallurgie du fer, traduction et introduction par J.F. Culmann, Lamort, Metz/Bachelier, Paris, Treuttel et Würtz, 1824), p. 110.

[28] C.J.B. Karsten, Mémoire sur la combinaison du fer avec le carbone, Ann. Mines IX (1824) 657–692. Trad. J.F. Culmann. (Mémoire présenté par Karsten devant l'Académie royale de Prusse en 1823, p. 692 ; il est inclus en annexe au Manuel de métallurgie du fer [27]).

[29] E. Pelouze. L'art du maître de forges, Paris, 1827–1828.

[30] Comité d'organisation de la sidérurgie. Historique de la sidérurgie du Centre et du Midi de la France, Rev. Ind. Miner (482) (1944) 17–46 ; 483(1944) 73–96 ; 484 (1944) 121–162, plus 2 planches. Voir : planche 13.

[31] R.F. Tylecote A History of Metallurgy, The Metals Society, London, 1976 p. 108 (Table 57)

[32] E.J. Hobsbawm L'ère des révolutions, Ed. Complexe, Bruxelles, 1988

[33] M. Berthelot Essai de mécanique chimique fondée sur la thermochimie, Dunod, Paris, 1879

[34] L. Troost Chimie, Masson, Paris, 1884

[35] L. Pauling Chimie générale. Trad. française : R. Pâris, Dunod, Paris, 1966 (p. 118)

[36] F. Gaffiot Dictionnaire illustré latin–français, Hachette, 1934 (1720 p.)

[37] J.J. Berzelius Ann. Mines, 17 (1840), pp. 422-425 (traduction de Ann. de Pogg, t. 46, 1840, p. 42)

[38] C. Lan Ann. Mines (1859), pp. 210-219

[39] N. Vauquelin Ann. Chim., 22 (1797), pp. 3-25 (pp. 4 & 8–9)

[40] A.L. Lavoisier; A.L. Lavoisier Mem. Acad. R. Sci. Paris (1777), pp. 592-601 (repris dans Œuvres complètes 1743–1794, 1862, pp. 225–233, web : CRHST) (publié en 1777)


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